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Après avoir classé les documents par ordre chronologique je me retrouve avec une dizaine de documents sans date. Parmi ces derniers deux pièces remarquables : un morceau de cadastre sur soie et une liste de propriétaires. En fait c’est ce cadastre sur soie qui a été le vrai point de départ de ces chroniques.
Il faut ajouter aussi une liste de parcelles non datée. Les deux premiers documents se complètent en partie, tout en posant un problème : de quand datent-ils et entre quelles mains sont-ils passés ?
Le cadastre sur soie
Le cadastre sur soie ne traite que des parcelles de la première feuille, situées le long de la côte. Il est très proche de celui, qui est conservé aux archives départementales de Quimper, à l’exception des bornes, qui sont absentes sur le cadastre en soie, et des séparations, qui sont parfois marquées en pointillés.
La feuille n°1 est limitée à l’ouest par l’océan; elle va de l’îlot du diable au nord, jusqu’au Cap Tremet au sud. Côté « est » la limite est essentiellement la route qui part de la porte de Camaret (autrefois porte de Crozon) et qui va vers les Capucins et la pointe des espagnols, aujourd’hui la RD355.
La photographie aérienne de 1919 montre, que cette zone, aujourd’hui en friche, était à l’époque cultivée, sauf en bordure de falaise, où elles étaient qualifiées de « terres vaines ». Il y avait également plusieurs chemins, dont celui, qui a permis d’évacuer les pièces d’artillerie du Cap Trémet (à droite sur la photo).
Le GR34 a repris le tracé de l’ancien chemin appelé « goarem koz » visible sur la photographie.
La liste
La liste des parcelles concernant la première feuille commence par la parcelle n°3 (« Poul Broën »). « Poul Broën » est le nom de la cassure entre la côte et l’îlot du diable. Il n’y a pas de numéros 1 ni de numéro 2.
Curieusement l’énumération va de 3 à 53, puis de 132 à 166 et enfin de 671 à 678, parcelles situées vers le fort Tremet et dépendant de la feuille n°3, avant de revenir de 54 à 131.
La liste jointe, par comparaison avec celle du cadastre de Crozon, ne mentionne plus le propriétaire initial de la parcelle n°18 Joseph Penfrat, mais ses héritiers, après le partage. En ce sens elle est plus proche de celle du cadastre de Roscanvel.
Les parcelles de Monsieur Le Mignon
Après le numéro 131 on voit arriver les numéros 1312 à 1466, qui correspondent au village de Lodoën, avec, au milieu, une liste de propriétés de M. Thomas Louis Le Mignon.
Celles de la section B (section B, dite du Bourg) reprend bien les propriétés énumérées dans la liste principale. Il s’agit de biens situés à Lodoën, à l’est de la route qui va à Roscanvel. Les biens de la section C (section C, dite de Ste Catherine) sont à l’ouest de cette même route; ils ne sont pas repris dans la liste générale. Il faut souligner que la liste des propriétés de M. Le Mignon ne reprend pas non plus celles qui sont situées dans la section de Quélern.
Cette liste a probablement été dressée à l’ouverture de la succession de Thomas Louis Le Mignon.
Il faudrait identifier dans les biens de Jean Laé, ceux qui, vers 1830, appartenaient à Thomas Louis Le Mignon et essayer de retrouver dans quelles circonstances ils ont été achetés (sans être obligé d’aller consulter les archives départementales à Quimper).
Finalement, compte tenu du manque d’informations détaillées sur certaines transactions, leur examen ne laisse entrevoir que deux possibilités : des achats réalisés par Véronique Quélen en 1895 à des héritiers Spagnol (partie sud de Parc Stang) et en 1887 aux enfants Congard. En effet, dans les deux cas, ce sont des parties des terrains, qui appartenaient initialement à Thomas Louis Le Mignon, décédé en 1833.
Le village de Trégoudan
Les limites de la feuille n°2
Les parcelles de la feuille n°1 du cadastre sont rattachées au village de Trégoudan qui se trouve dans la feuille n° 2. Si les limites nord, est et ouest sont assez claires, la séparation avec Quélern, au sud, ne répond pas à des critères évidents.
La limite est approximativement une ligne qui va de la porte du réduit de Quélern à l’ancienne cale, en contrebas de la « Pagode », l’ancienne briqueterie Kermarrec, qui a été transformée en gîte pour artistes, mais n’a pas survécu, en raison des difficultés d’accès.
La Pagode a été vendue mais selon la propriétaire précédente la route passait autrefois de l’autre côté des bâtiments, où elle se distingue encore assez nettement. Avant la construction de la route côtière elle rejoignait « Garront ar C’hor » en empruntant le chemin de Messiber.
L’ensemble a été racheté et les toitures viennent d’être remises à neuf.
Le schéma redécouvert il y a quelques mois montre que la route passait bien entre la briqueterie et la mer. Il date de 1889 alors que la Pagode n’a été ouverte qu’en 1906. Les constructions portées sur le schéma (l’ancien séchoir) ont-elles été réutilisées ou démontées pour faire de la place à la Pagode?
Les 3 zones
Le village de Trégoudan se décompose en gros en trois zones :
1 Au sud, la partie du plateau au-delà du réduit de Quélern, terminé par une cassure sur laquelle a été construite une partie du village (repéré par une étoile « A »), D’après les documents cette partie était appelée parfois « Tregoudan Huella ».
2 Au centre, une large étendue de terre descendant en pente douce vers la rade de Brest, avec un groupe de maison dans sa partie supérieure (étoile « B »); ici on parle de « Tregoudan Izella » ou de « Leac’h Izellaff ».
3 Enfin au nord, une zone à pente relativement forte, pour rattraper le fond de l’étang.
Elle est d’ailleurs appelée « Tors ar Poul » par endroits.
Les hachures utilisées pour simuler le relief dans la carte marine de 1911 ont pour principal avantage, mais aussi inconvénient, d’accentuer certaines dénivellations.
Dans le cas présent l’emplacement de la rupture de pente est erroné. En effet la zone n°2 commence au « Prat », le pré commun, et descend doucement vers la mer, sans la rupture, qui est marquée sur la carte.
Dans l’ensemble, les terres, qui entourent le village, à la différence des parcelles de la première feuille, sont des terres labourables, mais avec des terres à lande sur les bords et des zones humides vers la mer ou vers le fond de l’étang; ce sont essentiellement des prés (foennec), que le manque d’entretien a transformé en une zone boisée très instable comme l’a montré le passage récent de la tempête CIARAN.
Les habitations
Même si aujourd’hui on ne parle plus que de « Trégoudan », il y avait bien autrefois deux villages : Tregoudan Huella, au sud (repéré par la lettrre « A » sur la carte) et Trégoudan Izella au nord (lettre « B »). Chacun des deux villages avait son aire à battre (leur) et sa forge.
Entre les deux il y a le pré commun : le Prat.
Attention en face du Prat c’est une zone en pente forte très humide et utilisée autrefois pour extraire l’argile dont on se servait pour construire les maisons et les crèches (on trouve d’ailleurs dans un document la mention de « pouloupri »). La bande imperméable se trouve parfois à 20cm seulement de profondeur.
Le croquis ci-dessous permet de situer les différents groupes de maisons avec le nom des parcelles concernées.
A Trégoudan Huella
Le cœur du village était constitué d’une succession de maisons, construites en escalier le long du chemin, quand il descend de Quélern pour rejoindre Roscanvel en traversant le « Prat ». Elles étaient toutes du même côté du chemin, à l’abri des vents d’ouest avec 3 exceptions:
_la forge à gauche (elle porte le numéro 439)
_ les deux maisons que nous habitons et
_la maison construite en 1848 par Jean Marie Penfrat sur la parcelle 421, à côté de la nôtre, et qui heureusement fait écran.
Plusieurs maisons ont aujourd’hui disparu (au moins 4) et de nouvelles ont été construites plus haut, avec vue sur la mer. Il reste une maison, correspondant à celle de la parcelle 451, et une autre, au premier plan, sur les parcelles 456 et 457, dont il sera question plus loin (ty Maurice Téphany). La maison aux volets bleus est récente mais elle a été construite sur une ancienne maison..
B Trégoudan Izella, le long de Garront ar C’hor
De l’autre côté du « Prat » il y a trois ensembles d’habitations le long du chemin tortueux qui venait de Penarpoul en passant par la poterne basse. Il est appelé dans certains documents, du moins pour la partie supérieure, « Garront ar C’hor ». Aujourd’hui c’est un morceau de RD355, puis le Chemin de Messiber, enfin l’Impasse des îles sur quelques mètres et l’Impasse de l’étang.
La photo ci-dessous, datant du début du 20ème siècle, montre le groupe de maisons construites en haut du chemin « Garront ar c’hor », à son intersection avec le grand chemin de Crozon à Roscanvel. Les maisons de Tregoudan Huella se distinguent dans le fond, avec, entre les deux, le « prat ». la légende de la photo parle de « trégouden », conformément à la prononciation usuelle.
La population
Selon le cadastre napoléonien il y avait 15 habitations à Trégoudan, 10 d’un côté et 5 de l’autre.
Lors du rattachement de 1851 le village comptait 14 foyers avec 74 habitants. Il comptait aussi une maison de plus : celle qui a été construite en 1848 par Jean Marie Penfrat. Les dénombrements précédents donnent respectivement en 1841 : 13 foyers et 64 habitants et en 1846 : 11 foyers seulement avec 62 habitants.
Comme la plupart des maisons étaient habitées par des locataires, il n’est pas possible de les attribuer de manière certaine.
La voirie
Un barreau a été construit entre la RD 355 (qui fait le tour de la presqu’île), au niveau de la « Pagode », et la partie haute du village, arrivant sous l’ancienne forge.
Après le remembrement une autre route a également été tracée sur le plateau (route de l’Iroise) , en respectant à peu près les limites des parcelles 468 et 469.
De même la partie haute de « Garront ar C’hor » et le petit chemin entre « Parquic » et « Mes cibret » ont été élargis.
Le chemin prévu à travers le fond de l’étang, pour rejoindre Kervian, n’a jamais été réhabilité, préservant ainsi la tranquillité des nombreux oiseaux, qui y habitent ci-dessous en jaune). L’AVPR avait entrepris de dégager cette voie, qui permettrait aux randonneurs de rejoindre Kervian mais la Municipalité en a décidé autrement. Pourtant ce chemin figure toujours sur les documents officiels. En fait il est même probable que ce chemin n’ait jamais existé; il est d’ailleurs absent du cadastre napoléonien.
Par contre, si on prend en compte l’élévation du niveau de la mer (30cm en 300 ans, il devait être encore praticable en 1594, quand les protestants sont venus attaquer le fort de la pointe tenu par les espagnols. De même il devait y avoir au moyen âge un passage direct en direction du village de Kerincuff, qui permettait de rejoindre Lanvernazal et le bourg de Roscanvel.
L’amorce du chemin côté Trégoudan est toujours visible et les dernières parcelles de terre avant l’étang portent le nom de « parc ar pont » , preuve de son existence, sachant que le mot « pont » doit être pris dans le sens d’un chemin pavé et non pas d’un pont au sens, où on l’entend habituellement, à moins, qu’il ne s’agisse d’un passage à gué. La montée du niveau de la mer a amené les habitants à essayer de créer une liaison avec le village de Kervian un peu plus à l’ouest mais sans succès. Il fallait remonter par Garront ar C’hor et rattraper la route principale Hent Meur, solution compliquée d’où la création du barreau entre la Pagode et la forge de Tregoudan Huella.