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Les lignes de Quélern ont fait l’objet d’un nombre très important de publications, y compris sur internet. Le dossier le plus important est celui, qui a été réalisé lors de l’Inventaire du Patrimoine de la région Bretagne.

Le nombre de plans, qui existent, est d’ailleurs assez surprenant.

 Ces lignes sont considérées comme la plus vaste forteresse extra-urbaine d’Europe, mais elle est à peu près inaccessible aujourd’hui. La végétation les fait peu à peu disparaître. Seule la branche ouest est encore visible de loin. L’armée en a repris le contrôle et interdit désormais tout accès.

Leur étendue est visible dans l’extrait ci-dessous, tiré de la carte de 1782 : une ligne brisée, qui va de la baie de Camaret à la rade de Brest. Sur cette carte il y a en arrière les premiers retranchement de l’ingénieur Traverse et l’amorce du réduit, qui ne sera construit qu’au 19ème. Ii y a sur cette carte des informations sur le parcellaire au niveau des lignes. Il n’a pratiquement pas bougé du côté de Crozon. C’est un peu moins vrai du côté de Roscanvel. 

Le premier projet : 1699

 Le premier projet découle du souci de protéger l’accès au port de Brest. Dès 1666 des batteries avaient été construites le long du goulet ; d’autres allaient être construites, mais il fallait empêcher  l’ennemi de les contourner.

Vauban a donc eu l’idée de faire construire un retranchement, qui barrerait l’isthme de Roscanvel. Ce retranchement figure dans le schéma ci-dessus, daté de 1693 et qui est visible dans le fortin de la pointe des Espagnols. La portée des mortiers est probablement exagérée mais elle montre bien l’existence d’une zone « libre », où s’est d’ailleurs stationnée le gros de la flotte anglaise.

 La nécessité de réaliser ce retranchement s’est trouvé rapidement confirmée par l’attaque avortée des anglo-hollandais le 18 juin 1694.

Vauban a confié l’exécution du projet à l’ingénieur Traverse, qui lui a proposé un schéma comportant un réduit, prolongé par deux branches latérales fermant la presqu’île. L’essentiel des fortifications est sur un plateau, le réduit dominant la dépression centrale, où se trouve Trémet. Il y a deux portes, une au centre de chacune des deux branches. Il ne semble pas y en avoir en bas de la branche est du côté de la rade de Brest.

Ce projet a connu un début de réalisation, puis, la paix ayant été signée avec l’Angleterre ; on était tranquille pour quelques années. Comme il n’y avait plus d’argent dans les caisses depuis bien longtemps et qu’il n’y en aurait pas de si tôt, les travaux ont été stoppés pendant près d’un siècle.

 En fait seule la branche ouest avait été commencée.

Les travaux reprennent 

 La situation ayant changé au milieu du18ème, le projet de Traverse est repris ; il est décrit dans un mémoire établi en 1754 par Amédée Frézier (l’homme des fraises?) à la demande du marquis de Paulmy. Le réduit a disparu du projet.

On retrouve bien les deux portes : sur le plateau à l’ouest, près de la mer, une porte pour la route, qui vient de Camaret, et au milieu de la branche est, toujours sur le plateau, une porte pour la route, qui vient de Crozon.

 Si, contrairement au plan de 1699, les villages voisins ne sont pas mentionnés, on a ici par contre l’indication de constructions en arrière des lignes : caserne, logement, chapelle…

 Les travaux doivent être importants car le camp (ou parfois appelé également le retranchement) de Quélern est cité à plusieurs reprises dans les BMS de cette période. A l’inverse il est rarement question du village proprement dit.

 En 1756 l’officier chargé des travaux certifie que 73 ouvriers de  Saint Ségal ont travaillé 6 jours aux retranchements. Il a bien fallu les loger.

 Ces constructions se trouvaient à peu près entre la RD355 et le village de « Quélern en haut », dans la zone réservée du cadastre de 1830, qui avait été achetée en prévision  de la construction du réduit. Dans les années 50 il y avait là des ruines, où se trouvaient les plus beaux ronciers de la presqu’île.

On les retrouve sur le cadastre actuel dans une zone, où l’armée a construit récemment un ensemble de bâtiments dans sa partie la plus large.

Puis le chantier est à nouveau interrompu.

Le projet a été repris à la fin du 18ème siècle, au moment des guerres d’Amérique, avec des modifications importantes, comme le montre le plan de 1782, qui indique aussi ce qui a déjà été fait.

La ligne bleue de « démarcation du terrain appartenant au roi » marque l’emprise des terrains achetés par le roi en 1777. D’après la légende tout ce qui est compris entre cette ligne bleue et les fortifications était attribué au gardien (décision du Maréchal de Ségur de 1782). Ces zones étaient toujours propriété de l’état en 1830. Le parcellaire est reproduit côté Crozon.

 La branche allant vers l’ouest a été nettement avancée pour englober la partie plate devant les premiers retranchements et il n’y a plus qu’une porte sur le plateau.

 Le plan montre que la branche allant vers la rade de Brest a été également modifiée. Elle est en retrait par rapport au projet initial. Finalement un deuxième accès a été ouvert au niveau de l’étang, ce qui évitait d’avoir à monter sur le plateau. Il est cependant qualifié de poterne.

Côté Roscanvel la ligne bleue est moins visible, mais elle laisse libre deux zones. Par contre on distingue nettement les trois fermes, qui existaient à l’époque sur le plateau et dont la position  est rappelée sur l’extrait cadastral ci-dessous . On retrouve aussi sur le plan cadastral les parcelles incluses entre les deux tracés, du moins le groupe le plus important.

Du côté de Kerellot le parcellaire est pratiquement identique au cadastre actuel. La comparaison avec le projet de Traverse montre que les travaux ont absorbé des maisons, qui se trouvaient à proximité. Sur le cadastre de 1830, cela correspond à la partie supérieure de la feuille.

 Si le plan est juste,  elles se seraient trouvées au niveau de l’avancée de la porte de Camaret, en allant jusqu’au carrefour de la RD355.

 La situation au début du 20ème siècle

 La végétation  masquant de plus en plus les lignes il faut revenir à une période où, il y avait encore des cultivateurs et peu d’arbres. Les photographies aériennes permettent de voir les lignes et leur environnement.

Il y a encore des traces de l’ancien tracé de la branche ouest. le détail de la structure des lignes est encore bien visible. 

En rouge, ce qui devait être l’ancienne route conduisant à Roscanvel. En effet les limites des parcelles semblent garder la mémoire d’un ancien tracé. S’agissait-il d’une voie « romaine »?

D’abord la branche « ouest »

La porte a été détruite pendant la guerre, puis le passage a été à nouveau élargi pour dégager le virage de la RD355, qui vient de Roscanvel pour aller ensuite vers Camaret.

Elle comporte une chaussée sous laquelle il y a des magasins.

 La dernière arche a-t-elle été réellement remplacée par un pont-levis ou, plus simplement, par un platelage facile à détruire en cas d’attaque ? Sur cette photo prise à la fin  des années 30 on voit que sur les bords il y a des planches rabattables, soutenues par des chaînes, mais pas de mécanisme permettant de soulever le platelage.

Ensuite la branche « est »

 Au niveau de l’étang de Penarpoul (que j’ai toujours entendu appeler « étang de Quélern »), il y avait une poterne, qui a également été détruite pendant la guerre puis élargie, pour permettre ici aussi le passage de la RD355, mais au départ il ne devait pas avoir de route sur la digue. On passait alors par une petite poterne située dans l’oreillon, d’où partait un chemin en direction de Trez Rouz (le chemin du Pouldu à la poterne).

Les lignes aujourd’hui

 Les lignes disparaissent peu sous la végétation.

Le chemin de Trez Rouz

 La poterne existe toujours; elle est désormais englobée dans la zone occupée par l’armée ; son entrée se remarque entre les deux bâtiments, qui ont été construits récemment.

 Le chemin est encore visible sur le cadastre actuel de la commune de Crozon. Sur le terrain on ne voit plus rien.

 Pourrons-nous un jour parcourir à nouveau les lignes ?

 Dans les années 60 il était possible encore de se promener sur une grande partie des lignes, Nous avons tous exploré toute la partie ouest, du pont vers la demi-lune, à l’intérieur et à l’extérieur, y compris la demi-lune.

 Actuellement c’est déjà autre chose. La végétation masque complètement la maçonnerie. 

 Par contre le côté est, côté Kerellot, était déjà à peu près inaccessible dès les années 60 et je n’ai jamais pu rejoindre la route départementale..

La partie intérieure de la branche, côté Quélern, est restée pendant longtemps dégagée et accessible. Un 24 juin (dans les années 60, mais quelle année ?) un feu de la Saint Jean a été allumé. Il s’agissait de renouer avec la tradition du Tantad. Malheureusement cela n’a pas bien fonctionné. Les feux des communes voisines, qui devaient simuler la transmission d’un signal d’alerte, ne se sont pas allumés comme prévu et l’expérience n’a pas été renouvelée.

 Aujourd’hui l’armée a repris l’ensemble du secteur, y compris les terres, qui étaient comprises entre le réduit et les lignes. La végétation a tout envahi. Les glacis ne se reconnaissent plus, alors qu’auparavant leur profil rectiligne était très caractéristique.

 Il est toujours question que l’armée libère les lignes, mais il y aura un vrai problème d’accès. De plus il n’est pas certain que toute la zone ait été correctement neutralisée, quand on sait ce qu’elle a reçu en 1944.

Même si les lignes étaient un jour libérées par l’armée, cela poserait aussi un réel problème d’entretien qui dépasserait probablement les moyens disponibles au niveau de la communauté de communes qui a maintenant en charge l’entretien des fortifications de la presqu’île.