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A la recherche dans les archives départementales de l’acte de mariage de François Laé et de Marie Anne Keraudren, je suis tombé sur une péripétie assez rare : la mère de la future épouse, Marie Jeanne Kerguelen, refuse son consentement.
En fait c’est la première fois, que je trouve cette situation, du moins avec les copies des documents permettant le mariage jointes à l’acte de mariage. Le mariage a finalement eu lieu le 28 janvier 1809. Leur premier enfant, Jean Marie Laé, est né à Trégoudan le 30 octobre 1809. Il y avait urgence!
Le consentement parental pour la célébration du mariage.
La règle du jeu a changé avec le code Napoléon
En 1809, François Laé va avoir 28 ans et Marie Anne Keraudren 24 ans. Il est possible, qu’ils aient attendu pour se marier de pouvoir profiter du changement de majorité intervenu en 1804, qui permet à Marie Anne Keraudren de se passer du consentement de sa mère Marie Jeanne Kerguelen.
Pour mémoire, le père, Joseph Keraudren, est décédé le 9 octobre 1787.
Consentement de Jean Laé
Le consentement de Jean Laé est dans les archives : en fait c’est une simple procuration.
La procuration est datée du 16 septembre 1808.
François Laé est canonnier garde-côte. Curieusement c’est un qualificatif, que l’on rencontre souvent à Crozon, à côté de laboureur, tonnelier ou marin. Son domicile : « les côtes de Quélerne » ; c’est vague.
Les canonniers garde-côte
Le corps des canonniers garde-côte a été créé à la veille de la Révolution. Son organisation a varié selon le besoin. Elle a été finalisée dans un arrêté du 8 prairial an 11 (28 mai 1803), signé par le Premier Consul.
Cet arrêté fixe ses conditions de fonctionnement, son uniforme et la solde (en temps de paix et en temps de guerre). L’âge minimum pour en faire partie est de 25 ans ; l’engagement est de 5 ans, renouvelables. Cependant les officiers sont pris parmi les officiers retraités, de même que la plupart des sous-officiers et canonniers.
Les figurines ci-dessous sont l’œuvre de M. John O Brien qui réside en Australie.
Même si l’uniforme n’est porté, que lorsque le canonnier est en service, pour un paysan, malgré les contraintes, c’est certainement plus valorisant de se présenter comme canonnier dans les actes d’état-civil, plutôt que d’y figurer comme laboureur ou journalier.
Ci-dessous le bouton spécial des canonniers.
La solde est faible : pour un canonnier 36 centimes par jour en temps de paix et 50 en temps de guerre. Il s’agit d’une indemnité, car le canonnier n’est pas toujours de service.
A titre de comparaison, la solde d’un soldat est de 20 francs par mois, ce qui équivaut à 60 centimes par jour, à peine plus.
On trouve sur le net une étude détaillée sur la 39ème compagnie, basé à Berthaume et une autre sur la 50ème, basée à Locqueltas, près de Lorient. Malheureusement il n’y a rien sur la 40ème. Pourtant il doit bien y avoir quelque part les listes du personnel par compagnie.
Si l’on fait le calcul, François Laé n’a pas pu entrer dans les gardes-côte avant sa majorité, donc 25 ans ou 1806. De même Marie Anne Keraudren est devenue majeure en 1806. La procuration de Jean Laé date de septembre 1808 et leur mariage a eu lieu début 1809.
Les 3 sommations respectueuses
Du côté de Marie Jeanne Kerguelen c’est plus compliqué. Il a fallu recourir aux sommations respectueuses. Il y en a eu 3, en octobre, novembre et décembre 1808.
Les archives ont publié aussi le reçu. Il est équivalent à 3 jours d’indemnités. Comme il y a eu trois sommations cela fait l’équivalent de 9 jours.
Le mariage
Le mariage a été célébré le 28 janvier 1809.
L’acte rappelle les dates importantes (celles du consentement de Jean Laé et des 3 soumissions respectueuses) et le montant du reçu payé par François Laé.
Pour mémoire
François Laé est né le 12 avril 1781, sa mère, Françoise Jacq, est décédée le 2 vendémiaire an 7. La commune d’origine : Plouneventer.
Marie Anne Keraudren est née le 12 février 1785 à Trégoudan.
Les témoins
Il est intéressant de lire la liste des témoins :
Louis-Charles Buisson, Capitaine adjoint à l’état-major
Yves Marc ? Capitaine de la 40ème compagnie de canonniers,
Philibert Le Hideux, lieutenant de la même compagnie et
Felix Le Hideux, sergent-major.
Il n’y a personne de la famille Keraudren, ni même aucun voisin, ni ami.
Si on reprend l’arrêté du 8 prairial an 8, on retrouve, que chaque compagnie de canonniers garde-côte est commandée par un capitaine, avec un lieutenant, un sergent-major garde-magasin principal, divers sous-officiers et 96 canonniers. Dans des directions qui comptent plus de 10 compagnies il y a un adjoint, pris parmi les adjoints d’état-major. Brest compte 18 compagnies et a donc un adjoint d’état-major.
On retrouve ainsi dans la liste des témoins tous les officiers présents sur le site.
Les séquelles
Ce refus de Marie Jeanne Kerguelen a été probablement motivé par les différences de condition entre les deux jeunes gens. Marie Jeanne Kerguelen et son défunt mari avaient du bien, beaucoup de bien, et seulement deux enfants. Marie Anne Keraudren allait être une riche héritière, qui méritait mieux qu’un simple canonnier sans le sou.
C’est ce qui peut expliquer aussi l’attitude hostile de son frère et de ses successeurs, comme on le verra dans les pages du volume « c’est comme ça », qui parlent des litiges entre les familles Laé et Keraudren.
A ce jour tout n’est d’ailleurs pas encore totalement réglé même si la famille Keraudren a vendu ses terres.
Pourtant le couple va habiter la ferme de Trégoudan, où naît leur premier fils, Jean Marie, le 30 octobre 1809. Jean Marie Vergos, l’oncle de Marie Anne, est présent lors de la déclaration de naissance. La famille a du se réconcilier à cette occasion.
Le couple est toujours à Trégoudan pour les naissances suivantes.