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La presqu’île, lieu unique

La presqu’île de Roscanvel (ou de Quélern selon les périodes) est orientée nord-sud.

Elle est rattachée au reste de la presqu’ile de Crozon par un isthme relativement étroit (environ 1000m), barré par les lignes de Quélern, qui en font la plus grande forteresse « extra-urbaine » de France et même d’Europe selon les auteurs d’un article sur l’inventaire du  patrimoine.

Côté ouest, depuis les lignes de Quélern, au sud, jusqu’à la Pointe des Espagnols, au nord, c’est une succession presque ininterrompue de forts, casemates, emplacements de pièces d’artillerie… Par contre il y a peu de fortifications sur la façade est.

Bien évidemment l’ensemble a souffert des bombardements de la dernière guerre mais le GR34 permet cependant d’avoir accès à la plupart des installations.

 Des paysages variés

La presqu’île est parcourue en son centre par un ruisseau, également orienté nord-sud, appelé selon les documents RAGADAL ou QUIMPEROU. Ce ruisseau, asséché l’été, naît dans un marais assez large, puis la vallée se rétrécit, ce qui fait qu’en son milieu on pourrait se croire loin de toute côte ; et pourtant elle est là, à quelques centaines de mètres. Le ruisseau débouche enfin dans la baie de Camaret au niveau du fort de la Fraternité. On reviendra plus loin sur ce ruisseau dans le chapitre 02.

 En gros la presqu’île se caractérise par 4 vues :

1

Côté « ouest », face à l’océan, des falaises abruptes avec de la lande rase et de la bruyère.

2

Côté « est » des pentes douces, parfois fortement urbanisées.

Le Chevalier de Fréminville, dans son ouvrage « Antiquités du Finistère », publié en 1835 écrivait d’ailleurs:

A l’inverse le commentaire d’Ogée dans son dictionnaire géographique, édition de 1853, est plus critique sur la situation de Roscanvel, qui s’applique aussi aux villages de Quélern et Trégoudan, qui viennent de lui être rattachés.

Son commentaire doit être pris avec des réserves, car pour Camaret, qui a autant de rochers et de nombreuses plages, son discours est nettement moins sévère. La vérité doit se trouver entre les deux.

Par ailleurs il n’y a pas beaucoup d’endroits à Roscanvel, où le sol est couvert par les sables de la mer.

Il a peut-être confondu avec les plages de Camaret et de Crozon, notamment celles exposées aux vents d’ouest, de la pointe de Pen Hir au Cap de la Chèvre.

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En fait la seule plage est artificielle et de taille très modeste.

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Pourtant ou pourrait se croire loin de la mer au centre de la commune, alors qu’elle est à quelques centaines de mètres (le ruisseau de la Fraternité) et même à quelques dizaines de mètres seulement pour le vallon du Stiff, suspendu au dessus du goulet, près de la Pointe des Espagnols,

Les principaux jalons

Il n’y a pas beaucoup de témoins de l’époque préhistorique mais nous avons néanmoins un tumulus à Rigonou. La parcelle sur laquelle il se trouve est régulièrement entretenue.

Il n’y pas non plus de témoins de l’époque médiévale. Les fortifications construites par les anglais pendant la guerre de succession de Bretagne au 14ème siècle ont disparu. 

Du fort construit par les espagnols en 1594 il reste deux plans du même auteur mais légèrement différents. On y reviendra mais leur passage ou plutôt celui des protestants, 10 à 20 fois plus nombreux selon les auteurs a obligatoirement laissé des traces. Combien de maisons a-t-il fallu reconstruire?

La création du port de Brest par Richelieu au début du 17ème siècle a eu deux conséquences principales: 

1_la construction des batteries de Beaufort et celle de la pointe du Diable à la Fraternité. Il n’en reste plus grand chose. 

2_la migration de nombreux habitants vers le port, qui offrait des opportunités.  Sans le port de Brest comment les 9 enfants de Marie Jeanne Louise Capitaine auraient-ils trouvé du travail?

La bataille de Camaret de juin 1694 a été un élément important, même si la participation des habitants des villages a été largement occultée. La début de la construction des lignes de Quélern a provoqué un afflux d’ouvriers, qui se sont installés, prenant la place des habitants attirés par le port de Brest.

Les travaux ont été interrompus à diverses reprises mais la guerre de l’indépendance américaine a permis de les terminer en en modifiant le tracé. La presqu’île est désormais coupée des villages environnants. A chaque reprise des travaux il y a eu un afflux d’ouvriers venus du reste de la région mais on verra, qu’il y a eu aussi des retours vers Roscanvel de nombreux ouvriers partis travailler au Port de Brest.

Les travaux sur les forts se sont poursuivis tout au long du 19ème siècle et même jusqu’à la moitié du 20ème. 

Deux de ces jalons sont repris ci-dessous.

Marins et ouvriers du port

 On trouve quand même à Roscanvel pas mal de terres labourables et la situation ne devait pas être si terrible, comme le montreront les nombreuses transactions intervenues au 19ème siècle. Sans être très riches les paysans avaient de l’argent; on le verra plus loin.

Par contre les jeunes qui se mariaient devaient attendre le décès des parents pour récupérer la ferme et , en général, le jeune marié devait habiter chez ses beaux-parents, mais dans le cas de familles nombreuses les maisons devenaient rapidement trop petites.

La surface cultivable était aussi trop faible pour faire vivre correctement des familles pouvant atteindre parfois une dizaine de personnes.

Il y avait notamment 8 habitants dans notre premier Penty de 33m² seulement et, avec un peu plus de 3 hectares de terres, Jean Marie Penfrat était considéré comme un paysan aisé.

Chez les Le Bihan ils étaient encore 8 enfants après le décès de François Le Bihan.

De nombreux jeunes étaient alors contraints de chercher leur vie ailleurs, notamment sur mer, mais surtout au port de Brest. Par contre, dans bien des cas, si le mari habitait Brest, la femme et les enfants restaient à la ferme avec les grands parents.

Au décès des parents, quand il y avait plusieurs héritiers et qu’ils n’arrivaient pas à s’entendre, la ferme et les terres étaient vendues.

Plus tard un patient mouvement inverse de recomposition des biens s’est manifesté. C’est le cas avec Jacques Penfrat. Après avoir travaillé au port de Brest, il a racheté peu à peu une partie des biens de ses parents.

Roscanvel, Terre d’immigration

La construction des lignes s’est accompagnée d’un afflux important d’ouvriers, venus du Léon, du Pays Bigouden, des « montagnes » (notamment Spézet), parfois seuls, parfois accompagnés de leur famille, comme on le verra plus loin.

Certaines familles sont arrivées directement dans la Presqu’île, d’autres ont marqué un arrêt à l’entrée : le plus souvent à Telgruc, mais aussi Argol ou Landévennec.

L’examen des dénombrement le montre nettement.

La migration vers Brest des jeunes gens a également provoqué un déficit de maris, mis à profit par les ouvriers célibataires, arrivés généralement dans le sou. Ils se sont mariés et sont restés à Roscanvel. Ce fut notamment le cas de François Laé, de Denis Capitaine et de bien d’autres..

Trouver des vrais « indigènes » devient alors difficile.

Découvrir la Presqu’île

C’est une succession de fortifications en plus ou moins bon état.  Si on met à part le fortin  du bourg et les batteries des « 3 bosses », l’essentiel se trouve dans le goulet, de la pointe des Espagnols aux Capucins. Il y a ensuite la Fraternité et Trémet. Les lignes de Quélern étant actuellement occupées, on ne peut plus les parcourir. Elles sont pourtant en parfait état à l’exception des portes; trop étroites elles ont été dynamitées pendant la dernière guerre.

Pendant longtemps la pointe des espagnols a été laissée à l’abandon. Des travaux importants sont en cours.

Les autres sites n’ont pas cette chance. Si l’AVPR a décidé de remettre en état le fort de la Fraternité, les batteries de Beaufort du début du 17ème siècle disparaissent peu à peu et de la batterie du trou du diable il n’y a plus que le terre plein.

Ces fortifications masquent cependant beaucoup de choses. L’AVPR a lancé une opération appelée le chemin  de l’eau, qui permet de retrouver les moulins du ruisseau central appelé Ragadal ( ou Quimpérou selon les documents), les lavoirs et fontaines. Il reste à dégager celle, qui est au fond de l’étang de Kervian et, s’il n’a pas été détruit depuis,  le lavoir de Trégoudan.

Il y a peut-être un autre inventaire à faire, celui des fours à pain. On trouve sur le net des articles sur celui de Kerlaër, qui a survécu aux destructions de la dernière guerre. Il y en avait deux à Trégoudan. Ils sont tous les deux en ruine mais ils peuvent servir de point de départ d’un excursion à travers la patrimoine civil de la presqu’île.