Version 5.4_ Page 01-21_novembre  2023

La presqu’île, lieu unique

La presqu’île de Roscanvel (ou de Quélern selon les périodes) est orientée nord-sud.

Elle est rattachée au reste de la presqu’ile de Crozon par un isthme relativement étroit (environ 1000m), barré par les lignes de Quélern, qui en font la plus grande forteresse « extra-urbaine » de France et même d’Europe selon les auteurs d’un article sur l’inventaire du  patrimoine.

Côté ouest, depuis les lignes de Quélern, au sud, jusqu’à la Pointe des Espagnols, au nord, c’est une succession presque ininterrompue de forts, casemates, emplacements de pièces d’artillerie… Par contre il y a peu de fortifications sur la façade est.

Bien évidemment l’ensemble a souffert des bombardements de la dernière guerre mais le GR34 permet cependant d’avoir accès à la plupart des installations.

 Des paysages variés

La presqu’île est parcourue en son centre par un ruisseau, orienté approximativement nord-sud, appelé selon les documents RAGADAL ou QUIMPEROU. Ce ruisseau, asséché l’été, naît dans un marais assez large, puis la vallée se rétrécit, ce qui fait qu’en son milieu on pourrait se croire loin de toute côte; et pourtant elle est là, à quelques centaines de mètres. Le ruisseau débouche enfin dans la baie de Camaret au niveau du fort de la Fraternité. On reviendra plus loin sur ce ruisseau dans le chapitre 02.

 En gros la presqu’île se caractérise par 4 vues :

1

Côté « ouest », face à l’océan, des falaises abruptes avec de la lande rase et de la bruyère. Il y a les 3 pointes: l’îlot du diable, Beganarvir (avec l’îlot Liéval) et les Capucins. Le Cap Tremet plus au sud est actuellement occupé par l’armée.

2

Côté « est » des pentes douces, parfois fortement urbanisées.comme les environs de la cale de Quélern.

Le Chevalier de Fréminville, dans son ouvrage « Antiquités du Finistère », publié en 1835 écrivait d’ailleurs:

A l’inverse le commentaire d’Ogée dans son dictionnaire géographique, édition de 1853, est plus critique sur la situation de Roscanvel, qui s’applique aussi aux villages de Quélern et Trégoudan, qui viennent de lui être rattachés.

Son commentaire doit être pris avec des réserves, car pour Camaret, qui a autant de rochers et de nombreuses plages, son discours est nettement moins sévère. La vérité doit se trouver entre les deux.

Par ailleurs il n’y a pas beaucoup d’endroits à Roscanvel, où le sol est couvert par les sables de la mer.

Il a peut-être confondu avec les plages de Camaret et de Crozon, notamment celles exposées aux vents d’ouest, de la pointe de Pen Hir au Cap de la Chèvre.

 3

En fait la seule plage de Roscanvel est artificielle et de taille très modeste.

4

Pourtant quand on se trouve au centre de la commune on pourrait se croire loin de la mer, alors qu’elle est à quelques centaines de mètres (le ruisseau de la Fraternité) et même à quelques dizaines de mètres seulement pour le vallon du Stiff, suspendu au dessus du goulet, près de la Pointe des Espagnols,

Les principaux jalons

Il n’y a pas beaucoup de témoins de l’époque préhistorique mais nous avons néanmoins un tumulus à Rigonou. La parcelle sur laquelle il se trouve est régulièrement entretenue. Ce sera désormais l’association camaréroise Eñvor en Dour, qui s’en chargera.

Il n’y pas non plus de témoins de l’époque médiévale. Les fortifications construites par les anglais pendant la guerre de succession de Bretagne à la fin du 14ème siècle ont disparu. 

Du fort construit par les espagnols en 1594 il reste deux plans du même auteur mais légèrement différents. On y reviendra mais leur passage ou plutôt celui des protestants  (10 à 20 fois plus nombreux selon les auteurs) a obligatoirement laissé des traces. Combien de maisons a-t-il fallu reconstruire?

On y reviendra plus loin .

La création du port de Brest par Richelieu au début du 17ème siècle a eu deux conséquences principales: 

1_la construction des batteries de Beaufort et de celle de la pointe du Diable à la Fraternité. Il n’en reste plus grand chose. 

2_la migration de nombreux habitants vers le port de Brest, qui offrait des opportunités.  Sans le port de Brest comment les 9 enfants de Marie Jeanne Louise Capitaine auraient-ils pu survivre?

La bataille de Camaret de juin 1694 a été un élément important, même si la participation des habitants des villages a été largement occultée. La début de la construction des lignes de Quélern a provoqué un afflux d’ouvriers, qui se sont installés, prenant la place des habitants attirés par le port de Brest.

Les travaux ont été interrompus à diverses reprises mais la guerre de l’indépendance américaine a permis de les terminer en en modifiant le tracé. La presqu’île est désormais coupée des villages environnants. A chaque reprise des travaux il y a eu un afflux d’ouvriers venus du reste de la région mais on verra, qu’il y a eu aussi des retours vers Roscanvel de nombreux ouvriers partis travailler au Port de Brest et revenus finir leurs jours à Roscanvel.

Les travaux sur les forts se sont poursuivis tout au long du 19ème siècle et même jusqu’à la moitié du 20ème. 

Deux de ces jalons sont repris ci-dessous.

Marins et ouvriers du port

 On trouve quand même à Roscanvel pas mal de terres labourables et la situation ne devait pas être si terrible, comme le montreront les nombreuses transactions intervenues au 19ème siècle. Sans être très riches les paysans avaient de l’argent; on le verra plus loin.

Par contre les jeunes qui se mariaient devaient attendre le décès des parents pour récupérer la ferme et, en général, le jeune marié devait habiter chez ses beaux-parents, mais dans le cas de familles nombreuses les maisons devenaient rapidement trop petites.

La surface cultivable était aussi trop faible pour faire vivre correctement des familles pouvant atteindre parfois une dizaine de personnes.

Il y avait notamment 8 habitants dans notre premier Penty de 33m² seulement et, pourtant avec un peu plus de 3 hectares de terres, Jean Marie Penfrat était considéré comme un paysan aisé.

Chez les Le Bihan ils étaient encore 8 enfants après le décès de François Le Bihan, 4 garçons et 4 filles..

De nombreux jeunes étaient alors contraints de chercher leur vie ailleurs, notamment sur mer, mais surtout au port de Brest. Par contre, dans bien des cas, si le mari habitait Brest, la femme et les enfants restaient à la ferme avec les grands parents.

Au décès des parents, quand il y avait plusieurs héritiers et qu’ils n’arrivaient pas à s’entendre, la ferme et les terres étaient vendues. Ce fut le cas de la ferme du Gouérest.

Plus tard un patient mouvement inverse de recomposition des biens s’est manifesté. C’est le cas avec Jacques Penfrat. Après avoir travaillé au port de Brest, il a racheté peu à peu une partie des biens de ses parents.

Le cas des Le Lann est plus complexe en raison de prénoms identiques mais il semble bien que ceux qui sont allés travailler au port de Brest y soient restés, du moins à Recouvrance.

Roscanvel, Terre d’immigration

La construction des lignes s’est accompagnée d’un afflux important d’ouvriers, venus du Léon, du Pays Bigouden, des « montagnes » (notamment Spézet), parfois seuls, parfois accompagnés de leur famille, comme on le verra plus loin.

Certaines familles sont arrivées directement dans la Presqu’île, d’autres ont marqué un arrêt à l’entrée : le plus souvent à Telgruc, mais aussi Argol ou Landévennec.

L’examen des dénombrement le montre nettement.

La migration vers Brest des jeunes gens a également provoqué un déficit de maris, mis à profit par les ouvriers célibataires, arrivés généralement dans le sou. Ils se sont mariés et sont restés à Roscanvel. Ce fut notamment le cas de François Laé, de Denis Capitaine et de bien d’autres..

Trouver des vrais « indigènes » devient alors difficile. Les BMS de Roscanvel mis en ligne sur le net ne vont pas au delà de 1702.

Découvrir la Presqu’île

C’est une succession de fortifications en plus ou moins bon état.  Si on met à part le fortin  du bourg et les batteries des « 3 bosses », l’essentiel se trouve dans le goulet, de la pointe des Espagnols aux Capucins. Il y a ensuite la Fraternité et Trémet. Les lignes de Quélern étant actuellement occupées, on ne peut plus les parcourir. Elles sont pourtant en parfait état à l’exception des portes; trop étroites elles ont été dynamitées pendant la dernière guerre.

Pendant longtemps la pointe des Espagnols a été laissée à l’abandon. Des travaux importants sont en cours. Ils devraient être terminés pour l’été 2024.

Les autres sites n’ont pas cette chance. Si l’AVPR a décidé de remettre en état le fort de la Fraternité, les batteries de Beaufort du début du 17ème siècle disparaissent peu à peu et de la batterie du trou du diable il n’y a plus que le terre plein.

Ces fortifications masquent cependant beaucoup de choses. L’AVPR a lancé une opération appelée le chemin  de l’eau, qui permet de retrouver les moulins du ruisseau central appelé Ragadal ( ou Quimpérou selon les documents), les lavoirs et fontaines. Il reste à dégager celle, qui est au fond de l’étang de Kervian et, s’il n’a pas été détruit depuis, le lavoir de Trégoudan mais les soucis de préservation de l’environnement bloquent les projets.

Il y a peut-être un autre inventaire à faire, celui des fours à pain. On trouve sur le net des articles sur celui de Kerlaër, qui a survécu aux destructions de la dernière guerre. Il y en avait deux à Trégoudan. Ils sont tous les deux en ruine mais ils peuvent servir de point de départ d’un excursion à travers la patrimoine civil de la presqu’île.

Les trois malédictions

Il était prévu une page spéciale pour aborder les 3 malédictions mais les difficultés rencontrées avec la gestion du menu amènent à surcharger les pages existantes. 

Il y a 3 malédictions : 

_ l’absence de front de mer,

_ le nombre élevé des fortifications,

_ le longueur des voies à entretenir.

L’absence de front de mer

Contrairement à Camaret, Morgat, Saint Nic (Pentrez), il n’y a pas de plage digne de ce nom qui permette d’attirer les vacanciers, même si parfois elle est surpeuplée. Il y a bien un commerce et une crêperie place de l’église, situés certes à proximité de la cale du Bourg mais pas au bord de l’eau comme au Fret, Camaret ou Morgat. L’Hôtel Kreiz ar mor et les bistrots de la cale de Quélern ont fermé depuis longtemps. L’accès aux deux cales est au bout d’un cul de sac avec une voie très étroite pour celle du bourg, où Il faut partager la chaussée avec les automobilistes qui ne s’arrêtent pas.

Le nombre élevé de fortifications

Les lignes de Quélern qui barrent la presqu’île sur plus d’un kilomètre de longueur sont inaccessibles, tout comme le fort du Grand Cap, ainsi qu’on appelait autrefois la pointe Tremet (au fait faut-il faire sonner le second « t »?). Entre les lignes et la pointe des Espagnols il y a le fort de la Fraternité avec le four à boulet heureusement sauvé (on l’avait oublié), celui des capucins (dont l’accès devenu dangereux est désormais interdit, celui de Cornouailles avec sa tour modèle à réparer, le Fort Robert, inaccessible en théorie, sans compter toutes les fortifications intermédiaires. L’entretien de ces fortifications, qui s’étalent sur plus de 6km dépassait les capacités financières de la commune. C’est désormais la Communauté de Communes qui s’en charge mais cela reste diffcile à gérer, d’autant plus qu’il faut assurer également la sécurité des lieux et celle du GR34 qui les relie entre eux.

Un survol des cartes, plans et documents divers concernant la presqu’île de Roscanvel met en avant une certaine régularité. En effet les distances entre deux forts sont à peu près du même ordre : 1600m ou une demi-lieue de l’ancien régime (qui équivaut approximativement au statute mile des anglais qui fait très exactement 1609m); dans le même esprit la largeur du Goulet est plus proche du mile nautique de 1852m.

Cette distance entre deux forts est un résultats du découpage de la côte, une simple coïncidence, mais il parait difficile d’organiser un « stop and go » tout les 1600m le long de la côte de la Pointe des Espagnols aux lignes de Quélern, d’autant moins qu’il y a des batteries intermédiaires comme le fort du Stiff, la batterie de Kerviniou et la batterie annexe de Tremet, dernière batterie accessible avant d’arriver dans la zone interdite. Dans la plupart des cas il y a aussi les batteries basses et les batteries hautes.

Cela reste néanmoins possible pour les randonneurs qui empruntent le GR34 sous réserve des interdictions locales comme aux capucins ou Robert.

Bien évidement on ne compte pas l’ensemble des constructions en retrait du trait de côte comme la poudrière de Quélern, la face cachée de la Pointe des Espagnols, la batterie de Pontsorff (appelée les 3 bosses), les tours modèle….Il manque également la batterie de Beaufort près de Cornouaille et surtout la vieille batterie située au ras de l’eau près de la Pointe des Espagnols. Elle est souvent qualifiée de batterie de Vauban, qui, lui-même, la considérait comme une vieille batterie, nom qu’elle a sur de nombreux documents. Elle est visible sur des photographies aériennes mais pas sur le terrain.

L’entretien de près de 120km de voies communales

Après le remembrement réalisé dans les années 50 on a vu surgir un maillage étroit de routes nouvelles (chaque nouvelle parcelle devait être accessible par une voie de 6m de largeur disait-on).

Même si le GR34 n’est plus sous la responsabilité de la municipalité, il y aurait encore, d’après les services techniques, près de 120km de voies communales à entretenir.

A titre de comparaison dans le Val d’Oise la commune de Livilliers (400 ha et 390 habitants) n’a que 6 km de voies communales, ce qui peine à occuper l’unique employé communal.

Certaines parcelles sont inutilisables et d’autres à peu près inaccessibles mais il faut quand même entretenir les accès prévus même s’il y a au moins une route qui est sous l’eau la plupart du temps. En 2024 nous irons à la recherche de la parcelle D302 d’une superficie de 05a89ca rattachée au village de Kermorvan. On est loin du but affiché même si sur l’ensemble des parcelles remembrées la superficie moyenne a doublé.

La disparition progressive des cultivateurs et l’extension des zones classées N ou NS ne facilite pas non plus la gestion de ces parcelles. C’est pourquoi nous avons cédé au conservatoire du Littoral la moitié (en surface) des parcelles attribuées à Jean Laé après le remembrement de Roscanvel. Le feu a d’ailleurs pris à proximité au cours de l’été 2023.

Il faut noter que sur Camaret nous avons pu céder au département des parcelles délaissées après la modification du tracé de la RD355.