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Les deux villages de Trégoudan et de Quélern occupent une situation particulière à l’entrée de la presqu’ile de Roscanvel (que l’on appelait autrefois aussi « presqu’île de Quélern » comme sur la carte marine de 1911).

Entre les deux étangs il y a zone étroite, en grande partie occupée par le fort de la pointe Trémet, le réduit et les lignes de Quélern.

Cet étranglement est également très visible sur la photographie aérienne. En vert les limites de l’emprise des terrains occupés par l’armée, traversée seulement en deux endroits, juste assez pour permettre le passage de la RD355 (en rouge).

Sur le plateau il y avait une porte monumentale, qui a été détruite pour laisser passer les chars (les chars allemands ou les chars américains?).

Plus bas, au niveau de l’étang de Penarpoul, c’était une porte plus simple, qui était appelée « la poterne ». En fait il y avait deux portes et un tunnel. Tout a été élargi pour laisser passer les tanks et les camions mais on voit encore l’emplacement des portes et du tunnel.

Retour sur les voies de communication

Quélern et Trégoudan sont situés sur l’ancien chemin (hent meur), qui allait de Crozon à Roscanvel en passant par la grande porte du plateau. Par la porte du bas Il y avait aussi un autre chemin, qui longeait la côte. Jusqu’à la construction de la digue de l’étang de Penarpoul, ce chemin passait une seconde poterne et rejoignait la route de Crozon. Nous l’utilisions pour aller à Trez Rouz.

Plus tard, pour desservir les nombreux forts situés le long de la côte, il a été construit une route centrale, qui allait jusqu’à la pointe des Espagnols. Cette route portait le nom de route stratégique n°1, comme on le voyait sur la borne Michelin située au carrefour avec la route de la Fraternité,. La borne a malheureusement disparu lors de la réfection du carrefour.

Les portes étaient fermées la nuit

C’est la construction des lignes, la fin du 18ème siècle, qui a amené les deux villages à demander le rattachement à la commune de Roscanvel. Il y avait déjà l’éloignement : Crozon est à 9 km et Camaret est à 5 km, contre moins de 2km pour rejoindre Roscanvel. , mais surtout les deux portes étaient fermées la nuit, du moins jusqu’en 1918.

Ogée l’avait d’ailleurs noté  dans son dictionnaire historique et géographique publié en 1853:

Il en sera à nouveau question dans le chapitre 27.

Curieusement un seul document fait référence à la construction de ces lignes.

Dans le brouillon du partage des biens de Joseph Keraudren et de sa femme, Jacques Keraudren, leur fils, accepte de revoir sa part d’héritage, si la construction du fort vient amputer la part de ses neveux et nièce.

Mais on n’y reviendra pas, alors que, selon le cadastre, les Laé ont des parcelles dans l’emprise du réduit.

Les voies de communication 

Il n’y avait à l’origine que deux routes pour aller de Crozon jusqu’à Roscanvel:

_ Hent meur (en jaune), qui venait de Saint Fiacre et passait par le manoir de Quélern avant de monter à l’assaut du plateau.

_ La route de la côte (en rouge), qui passait par le fond de l’étang de Penarpoul pour rejoindre Hent Meur à Trégoudan.

Une bretelle (en rouge également ) reliait Hent Meur au chemin de douaniers  (en violet) qui venait de Camaret et longeait la côte (Goarem Koz)

Quand le niveau de la mer s’est élevé (30cm depuis 1700) il n’a plus été possible de passer par le fond de l’étang de Kervian (en bleu et plus récement en vert) Si ce passage a été progressivement abandonné, le tracè en pointillé vert figure encore sur les plans de la commune de Roscanvel; il avait déjà disparu lors de la rédaction du cadastre napoléonien.

Il faut maintenant remonter par Garront ar c’hor, un nom bien plus poétique, que le nom actuel d’impasse de l’étang (en rouge).

La construction des lignes a modifié aussi la montée sur le plateau; la route passe désormais par Kerellot (trait continu bleu sur le schéma) et passe par la porte dite de Camaret pour rejoindre Hent Meur et la voie longeant la côte (en rose).

En fait il était prévu deux portes sur le plateau d’après le plan Traverse de 1699  : une pour rejoindre Hent Meur et l’autre pour rattraper Goarem Coz

_ la route marquée en bleu, passant par Kerellot et la porte du haut ne devait pas être très différentes de ce qu’est aujourd’hui la partie qui monte de Kerellot.

Ce chemin est empierré au départ du village; c’est moins visible plus haut.

Dans le projet définitif de la fin du 18ème il n’y a plus qu’une porte sur le plateau et une au niveau de l’étantg de Penarpoul (en rose sur le schéma). La construction de la digue fermant l’étang de Kervian et la construction d’une voie normale reliant Camaret à Roscanvel a changé définitivement la situation. 

_ initialement le second chemin, repéré en rouge sur la carte, qui partait de Penarpoul et longeait la côte pour rejoindre le grand chemin, au bout du village de Trégoudan. Dans sa partie supérieure il avait pour nom  « garront ar c’hor ». Entre la poterne et garront ar c’hor c’est le chemin de messiber, dont une partie a été élargie lors du remembrement.

Après examen du cadastre napoléonien, il semble, que la route principale (en jaune) allait autrefois en ligne droite du fond de l’étang vers le manoir de Tremet situé sur le plateau; était-ce la trace d’une ancienne voie romaine?

On le verra quand on s’intéressera au village de Tremet, aujourd’hui enseveli sous l’avancée de la porte de Camaret (chapitre 27).

L’ancien chemin venant de Camaret (en violet sur la carte) passait très près de la côte; il a été remplacé par une route plus éloigné du rivage, qui a coupé en deux de nombreuses parcelles, surtout vers Rigonou. Nous en avons cédé 6 au département; la plus petite, de forme triangulaire a une superficie de 49m²!!

Il y avait une autre route venant de Saint Fiacre (également en violet); elle devait rejoindre la première au niveau du village de Penarpoul, du moins avant la construction de la digue.

Au début du 20ème siècle une route a été construite entre le village de Trégoudan et la RD355, au niveau de la Pagode. Cela évitait le passage par Garront ar C’hor. 

Enfin la RD355 a été élargie ; elle fait désormais le tour de la presqu’île et les portes ont disparu.

Les tracés donnés sur la carte sont très approximatifs.

Malgré ces modifications il faut toujours traverser les lignes et toute cette zone conserve encore son caractère de goulot d’étranglement accentué par la prolifération de panneaux rappelant que toute la zone est terrain militaire. Cela a conduit aussi à renforcer la perception d’isolement pour les randionneurs et cyclistes, qui doivent partager la chaussée avec les véhicules à moteur.

 

Les Habitations

Il n’y avait apparemment pas de manoirs, ni de grande maison à Trégoudan, même si un groupe de champs vers la route de l’Iroise portait autrefois le nom de « Parc Gros ar Maner » (probablement une déformation de Kreis ar Maner). Par opposition il y en avait dans les villages environnants: notamment Quélern Lodoën et Kervian. 

Sauf erreur, à part les maisons du Pors, qui ont été reconstruites au cours du 19ème siècle, aucune d’entre elles n’est datée, alors que dans la plupart des villages voisins on trouve encore des maisons avec une pierre sculptée portant l’année de la construction et assez souvent le nom du propriétaire.

En fait il y en a au moins une à Quélern, située au numéro 19 de la rue des remparts, qui porte comme date 1613, mais il peut aussi s’agir d’une pierre de réemploi.

Les dates qui figurent sur ces maisons semblent toutes postérieures à 1600. Est-ce la conséquence du passage des espagnols ou un changement d’habitude?

En 1594 cette gorge a vu passer les espagnols, qui ont construit un fort au bout de la presqu’ile. Il y a eu ensuite le passage des troupes franco-anglaises venues les déloger, beaucoup plus nombreuses (peut-être plus de 6000 contre 400). Le siège a duré longtemps et cela a eu forcément des conséquences sur la vie locale. Il fallait bien héberger et nourrir cette armée protestante dans un environnement entièrement catholique.

Les habitants ont-ils été amenés à reconstruire leurs maisons? C’est bien ce qui s’est passé pour le manoir de Quélern. On y reviendra plus loin.

La première maison avec un étage a été construite en 1848 par Jean Marie Penfrat dans le prolongement de son penty.

Il y en avait une à Quélern mais elle a été « rabotée » après la guerre car le pignon ouest avait été endommagé. Il s’agit probablement de la maison, qui est appelée dans certains documents le « manoir de Tremet ».

 

 

La section première de Quélern

Lors de la rédaction du cadastre napoléonien, au début du 19ème siècle, les communes ont été découpées en sections. Pour la commune de Crozon les rédacteurs ont commencé la numérotation par la section la plus au nord, qui a été dénommée « la section première de Quélern» .

En effet jusqu’en 1851 les villages de Quélern et Trégoudan ont fait partie de la paroisse, puis de la commune de Crozon.

La section première, que recouvre-t-elle?

Cette section allait de l’étang de Kervian à celui de Penarpoul (je crois avoir lu qu’il s’appelait autrefois « étang de Quélern », ce qui serait plus logique).

Elle englobait en plus des deux villages de Quélern et de Trégoudan l’ensemble des lignes de Quélern et le village de Kerellot, situé en contrebas de ces lignes.

Les lieux en 1919

La photographie ci-dessous date de 1919. Elle montre qu’il y avait peu d’arbres à cette époque, à l’exception des zones habitées, où ils ceinturaient les champs proches des habitations.

Les anciens chemins, sauf sur la côte, laissent la place à des routes moins tortueuses, qui, venant de Camaret et de Crozon vont rejoindre Roscanvel et la Pointe des Espagnols.

Si les sillons, qui protègent les deux étangs, ont été renforcés et recouverts d’une chaussée carrossable, la route, qui va de la nouvelle cale de Quélern au bourg de Roscanvel n’existe pas encore. Par contre les deux bistrots avaient déjà été construits.

Enfin on distingue nettement le chemin, qui a été emprunté par les pièces d’artillerie du fort de Trémet, quand, vers la fin de la Grande Guerre, elles sont été démontées et transférées sur le front. Ce chemin est encore visible sur une voie aérienne récente alors qu’il n’a pas été repris sur le cadastre..

On distingue nettement les conséquences de l’érosion du trait de côte, qui nous ont amenés à céder au Conservatoire du Littoral plusieurs parcelles dont deux situées en bord de falaise entre les traits rouges).

Le chemin de douaniers a déjà été déplacé il y a quelques années et il faudra encore le déplacer.

Une unité géographique écartelée

 Si Kerellot est rattaché à la section première, le village voisin de Penarpoul est écartelé entre la deuxième et la huitième section de Crozon. En fait de nombreux villages sont ainsi coupés en deux (ou plus). La limite est le plus souvent un chemin, parfois un ruisseau, indépendamment des habitations.

 Dans le cas de la section première la séparation au sud était constituée par un chemin allant de la plage de Trez Rouz à l’étang de Penarpoul, passant à peu près à égale distance entre les deux villages de Kerellot et de Penarpoul. Il portait le nom de chemin du Pouldu à la poterne. Le Pouldu étant le nom de Trez Rouz autrefois.

Le nom des deux villages est devenu Kerellot-Trémet et Penarpoul-Trémet, alors que le Cap Tremet est plus au nord. Il fallait les distinguer des autres villages du même nom de la commune de Crozon.

On verra d’ailleurs plus loin, que toute la zone faisait partie d’un quartier de Crozon portant le nom de « Tremet »

Le manoir de Quélern est lui dans le village de Kertoupin, au delà de Penarpoul, et le moulin de Quélern est sur la hauteur, encore plus au sud, à Penarcréac’h (que les habitants désignent encore actuellement sous le nom de penar’her). L’ile du renard (Enez Lern) est en face de Persuel. Enfin la presqu’île de Roscanvel portait autrefois le nom de presqu’île de Quélern comme le montre la carte de 1911.

Cette dispersion géographique du nom de Quélern sera reprise dans le chapitre 28.

Les quatre feuilles

 Le plan cadastral de la section première de Crozon est découpé en 4 feuilles, d’importances inégales.

Ci-dessous le découpage, tel qu’il ressort du tableau d’assemblage de la commune de Crozon, daté de 1872.

La première feuille reprend les 166 parcelles situées le long de la côte entre la Fraternité et le fort Trémet. Une copie sur soie nous est parvenue.

Les 3 autres feuilles correspondent aux trois villages, en allant du nord au sud.

La deuxième feuille englobe le village de Trégoudan, c’est la plus grande avec plus de 400 parcelles.

La troisième feuille comprend le village de Quélern, appelé aujourd’hui « Quélern en Haut », par opposition à « Quélern en bas », qui désigne uniquement le groupe de maisons construites plus tard autour de la caserne de Sourdis. Cette feuille comporte moins de 100 parcelles car elle est amputée par le réduit et les lignes, mais avec quelques parcelles coincées entre les anciennes lignes de l’ingénieur Traverse et celles qui ont été finalement construites à la fin du 18ème. L’état les a probablement toutes rachetées car il n’y a plus d’accès à cette partie de la côte. 

La quatrième feuille est celle de Kerellot avec plus de 300 parcelles.

A l’occasion du rattachement de 1851 les trois premières feuilles du plan cadastral ont été transférées sur celui de Roscanvel, comme on peut le voir en consultant les archives.

La liste des propriétaires des parcelles, par contre, a été modifiée et il faut consulter aussi l’exemplaire de Crozon, ce qui permet de suivre les mouvements intervenus entre 1831 et 1851