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En traversant le Prat, on arrive sur « Ty Postic », maison faisant partie d’un groupe appelé autrefois« le Pors », déjà cité plus haut.
La dénomination « Pors », qui désigne en fait l’ensemble des bâtiments autour d’une cour fermée, un peu à l’écart du chemin, ne figure pas dans le partage, ni dans la liste des propriétaires en 1831. Par contre la plupart des parcelles situées au nord portent le nom de « toul ar pors ». De même on trouvera à Quélern une maison portant le nom de Porz Quélern.
La maison construite sur la parcelle 288 (en bleu foncé) fit partie fait système d’alerte mis en place dans la presqu’île.
Comme la maison a pour nom « ty postic », le jardin situé à l’est s’appelle « Liors Postic » (parcelle 291).
Il s’agit à l’évidence du nom d’un précédent propriétaire. En effet, parmi les ascendants, on trouve Françoise Postic, arrière grand mère de Joseph Keraudren. Il faut remonter au début du 17ème. Curieusement elle est décédée à Penfeunteun. L’un des témoins est Jean Keraudren, son fils. On y reviendra dans une page sur les villages disparus.
Par ailleurs il y avait des Postic à Lodoën; il y en avait aussi à Kerloc’h.
Les deux partages
La ferme est décrite dans un premier partage entre Jacques Kéraudren et les trois enfants de sa sœur, Marie Anne Keraudren ; il est daté du 7 novembre 1839.
Les biens sont issus de la succession de Joseph Keraudren et de Marie Jeanne Kerguelen, sa femme, mais aussi celle de Françoise Kerguelen, sa belle sœur.
Sur la liste des propriétaires de 1831 on constate qu’un très grand nombre de parcelles sont au nom double « Laé-Keraudren » et non pas « Héritiers Keraudren » comme on le trouve par ailleurs ; pourquoi cette différence de traitement ?
On ne retrouve pas toutes les parcelles
Compte tenu de la proximité de sa rédaction avec celle du cadastre il était tentant de rapprocher les deux documents.
Le cadastre napoléonien énumère 73 parcelles appartenant aux héritiers Laé-Kéraudren sur les deux villages de Trégoudan et Quélern, en plus des nombreuses autres parcelles situées à Kerellot, Lambézen…
L’examen du partage entre Jacques Kéraudren et les héritiers de sa sœur ne permet pas de retrouver toutes les parcelles malgré la proximité des dates (cadastre de 1831 et partage de 1839). Certaines ont changé de nom et les parcelles voisines ont parfois aussi changé de propriétaire, ce qui ne facilite pas le repérage.
Par exemple Liors braz est devenu Jardin braz pour la partie ouest revenant à Jacques Keraudren et Pors bian pour celle qui est devant la maison des Laé à la place de Jardin Bian..
Ty al laé
Autre exemple, les parcelles « ty al laé » du cadastre ne figurent pas sous ce nom dans le partage. Il n’y avait d’ailleurs pas de maison sur ces parcelles. Par contre, quand on regarde le cadastre on note que les parcelles « ty al laé » sont incluses dans liors bras, avec leurs bornes ; on a donc bien eu un démantèlement de liors bras. Il faut rapprocher ce nom de celui que l’on trouve à Rigonou, mais aussi à Kerloc’h ou au Juch, près de Douarnenez : Al Laé voudrait dire « d’en haut ». La maison correspondante serait alors celle portant le numéro 288, qui est en effet plus près du sommet de la colline (« Pen ar Hor »)? Il y avait peut-être aussi d’autres constructions, qui ont disparu entretemps.
Le partage de 1839 a été d’ailleurs le point de départ d’un très grand nombre de querelles entre les héritiers de Joseph Keraudren et leurs successeurs. Tout n’est pas encore apaisé à ce jour.
Le Pors dans le second partage
Le second partage, qui intervient entre les 3 héritiers Laé est daté du 18 avril 1840 ; il reprend très exactement le texte du premier, du moins pour la partie les concernant.
Le Pors d’après le cadastre
La description du « Pors », qui est donnée dans les deux actes correspond assez bien au cadastre, à l’exception de la grande maison, qui ne figure pas sur le plan cadastral. Il faut admettre qu’elle a pris la place de la maison, qui figure sous le numéro 288, en prenant sur les parcelles voisines 286 et 287 mais ce n’est pas prouvé.
Avec le remembrement de la commune de Roscanvel les parcelles ont été regroupées, mais on retrouve à peu près la configuration initiale, même si de nombreuses constructions ont été rajoutées depuis. Il semble que l’ensemble actuel ait bien une longueur totale plus importante qu’en 1830. L’étalon pour la comparaison est l’ancienne cuisine, aujourd’hui réduite à 3 murs.
Il ne faut pas exclure non plus une erreur sur le plan cadastral de 1830, car la parcelle 288 est donnée pour une superficie de 45 m², bien plus importante que ce qui est dessiné.
La situation actuelle
Les maisons ont été reconstruites depuis; celle des Keraudren en 1879 et celle des Laé en 1880. S’il n’y a pas de mur mitoyen avec Jacques Keraudren, une crèche relie néanmoins les deux maisons. Dans l’un des actes il est question d’une maison, qui a pour nom « Ty Creis » et qui a été partagée ; est-ce la moitié de Ty Creis ? mais laquelle ? Les voisins ont longtemps prétendu, que c’était leur moitié. Finalement elle est restée côté Laé.
On a cependant l’impression, que la maison actuelle est plus petite, que celle de 1830. Il semble manquer entre 3 à 4m. Par ailleurs l’écurie ne fait, que 3m de largeur. on y reviendra plus loin. Certes en 1830 il n’y avait pas de laser ni de GPS mais d’une manière générale le cadastre est assez proche de la réalité.
Pendant longtemps les deux parties ont utilisé le même passage pour rejoindre le chemin appelé Garront ar C’hor, ce qui a entraîné de nombreux problèmes de voisinage.
C’est une lecture abusive du nouveau cadastre, issu du remembrement, qui a fait cesser cette situation. Le dessinateur du plan aurait dû faire appel à la notion de cour commune.
Il a fallu créer une entrée séparée pour la ferme des Laé.
La cuisine a été détruite lors de la dernière guerre, mais elle figure encore en pointillés sur le cadastre le plus récent, car il reste trois pans de mur. On les voit sur la photo suivante avec, à gauche, l’ancien débouché du Pors.
Question classique : de quand date …
Les deux maisons ont été refaites vers la fin du 19ème, quand la situation matérielle des paysans a commencé à s’améliorer, celle de Jacques Keraudren en 1879 et celle des Laé en 1880 avec ty Creis entre les deux.
La cuisine est séparée de la maison principale mais elle s’appelait autrefois Craou Vras (la grande crèche); il y a peut-être eu tout simplement un changement d’affectation.
Par ailleurs la notion de permis de construire est récente. Il n’ a donc pas de traces sauf éventuellement dans des actes de vente
Le pors est-il le reste d’un ancien manoir ? Les terres au dessus de Prat portent en effet le nom de Parc Gros ar Maner, probablement une déformation de Kreis ar Maner. Par ailleurs toute la zone est rattachée à des tenues, qui sont imbriquées les unes dans les autres : Leac’h Izella, Garrec Ven, Coatglas. Il est question également dans un document du pourpri, terme qui englobe l’ensemble des constructions et des terres entourant un manoir.
Le manoir semble être une particularité de la Bretagne, qui en comptait plus de 10000 de tailles très variables, allant du château à une simple maison. S’il n’y a pas de tour, on peut se demander à quoi pouvait ressembler la maison de la parcelle 288, qui servait de poste de guet? Il y avait peut-être un passage vouté comme à Gouandour. La tour du manoir de Quélern a été refaite et elle se trouvait probablement sur le devant avec également un passage vouté pour aller vers les champs. Il ne faut pas oublier, qu’au bout il y avait un pavillon et entre les deux les habitations des « domestiques ».
Autre question : si Jacques Keraudren avait construit une « grande maison » vers la fin des années 30, pourquoi la refaire en 1879, seulement 40 ans après?
Après le départ du dernier cultivateur la maison a été rénovée. On y trouve une grande cheminée, dont la taille est à peu près équivalente à celle trouvée dans le Penty. I’ isolation thermique par l’extérieur a été faite début 2023
Une autre approche
Comme le manoir de Quélern le Pors a souffert du passage des protestants en novembre 1594. Il a été reconstruit avec, comme pour le manoir de quélern, une maison principale et une « tour » avec un passage vers les champs derrière la maison. L’étage a disparu. Jacques Keraudren a construit une maison plus grande en prenant comme base la construction de la parcelle 288 puis pour des raisons inconnues les deux constructions ont été reprises en 1879-1880.
Le cadastre napoléonien est relativement fiable, du moins à Trégoudan. La comparaison avec le cadastre actuel permet de voir, que la maison Laé est aujourd’hui moins longue, que celle de 1830. Il manque une partie, qui pourrait correspondre à l’espace, qui sépare aujourd’hui les deux maisons et qui est devenue pendant un temps une écurie.
Dans ce cas la maison construite par Jacques Keraudren entre la réalisation du plan cadastral et le partage de 1839 est bien une extension de la maison portant le numéro 288. Comme cette maison a une surface de 45m², cela lui donne une longueur de 7,5m. Du coup la maison principale devait faire entre 15 et 16m de longueur, ce qui est beaucoup, sauf si on revient à la notion de manoir.
Il est possible, qu’il y ait eu des arrangements lors de la reconstruction des deux maisons mais il n’y a aucune trace dans nos documents.
Sur le plan du remembrement de 1957 il manque les constructions entre le chemin et les maisons d’habitations; il est donc difficile de faire des comparaisons même si dans l’ensemble les dimensions semblent respectées; le plan du remembrement comporte des bornes, qui devraient permettre de trancher.
On garde seulement en mémoire la notion de « pourpri » et le fait que la parcelle 290 a pour nom « Jardin Bian » par opposition à « liors bras » qui concerne la cour et la plupart des parcelles situées à l’ouest.