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Lors du tri des documents il est apparu très vite que le nom de famille « Derrien » intervenait dans près de 10% des cas et, qu’en fait, la plupart de ces documents concernaient une seule personne : Jean Derrien.

Comme il n’y a pas de lien de parenté avec nous, ces documents ont donc été remis à l’occasion de cession de biens, vraisemblablement par son petit-fils Jacques Marie Penfrat.

Le mariage avec Marie Louise Gourvez

Jean Derrien est né le 25 janvier 1761 à Lodoën, paroisse de Roscanvel. Il épouse Marie Louise Gourvez à Roscanvel le 3 février 1790.

On voit apparaître parmi les participants Jean Ollivier, Jean Baptiste Madec et Bernard Madec. Or Jean Baptiste Madec a beaucoup de parcelles poches de celles des Laé. En fait il y a des Madec parmi nos ascendants, comme on le verra dans les pages du volume Termaji, notamment Magdeleine (branche Laé) et Marguerite Madec (branche Jouin), qui sont les deux sœurs de Bernard Madec, le père de Jean Baptiste.

Nous avons des copies des actes de naissance des deux premiers enfants de Jean Derrien. Une première fille, Marie Louise Derrien, naît le 28 février 1791 au village de Trévarguen Izella. Une autre fille, Marie Jeanne Yvone Derrien, naît le 17 thermidor de l’an 6.

L’achat de la ferme de Trégoudan

Le 25 germinal de l’an 13 (3 avril 1805) Bernard Lelias et Jeanne Rose Désnos, son épouse, vendent à Jean Derrien et Marie Louise Gourvez, sa femme, une maison située à Trégoudan, avec ses dépendances (crèche, écurie et grange) et un certains nombre de parcelles de terre. Dans l’acte de vente Jean Derrien est qualifié de taillandier forgeron ; il demeure alors au Gouérest

D’après le cadastre napoléonien, Jean Derrien apparaît comme l’un des propriétaires les plus importants de Trégoudan, mais avec une seule maison ; c’est donc celle qui est citée dans la vente Lelias. Mais n’existe-t-il pas un lien entre les Lelias et les Derrien ?

La maison est construite en bordure du chemin appelé « garront ar c’hor », qui vient de la petite porte en passant par le chelin de Messiber. Elle est sur une parcelle, qui porte le nom de « Liors Leur », l’aire à battre du village de Trégoudan Izella, tout comme il y a « Parc Leur » pour les habitants de Trégoudan Huella et « Pen al Leur » pour ceux de Quélern. Cette parcelle fait face au « prat », le pré commun du village.

En fait si chaque hameau avait sa propre aire à battre, dans le cas de Trégoudan les deux aires sont très proches. 

La maison a été reconstruite depuis. Les deux crèches qui l’entourent ont été transformées en habitations, mais la forge existe toujours derrière la maison principale.

La vente de la ferme de Trégoudan a été conclue pour un montant « d’entrée » de 900 francs, dont 600 francs ont été payés lors de la signature du contrat et les 300 francs restant le 7 vendémiaire an 15 (29 septembre 1806). Puis Jean Derrien doit verser aux époux Lelias une rente viagère de 60 francs, également à partir du 7 vendémiaire an 15. Le contrat de vente prévoit que l’acquéreur pourra se libérer de la rente foncière avec l’accord du vendeur.

Le prix total de la ferme est donc de 2100F.

Le paiement des 300 francs ne sera finalement effectué que le 30 avril 1807.

En 1812 Jean Derrien rembourse le quart de la rente (300 francs), qui est alors ramenée à 45 francs ; le 24 juin 1819 Bernard Lelias lui donne quitus pour l’ensemble des sommes dues.

Au moment de la vente la ferme est louée à Jean Bothorel (ferme verbale d’un an !), qui doit la libérer pour le 8 vendémiaire an 14 (= 30 septembre 1805). L’information lui a été donnée seulement le 14 prairial an 13 (= 3 juin 1805) ; il n’a donc que quelques mois pour trouver une autre ferme.

Yves le Géval, subrogé tuteur

Le décès de Marie Louise Gourvez intervient le 31 mars 1806, avant d’emménager dans la maison, qui vient d’être achetée à Trégoudan. Jean Derrien habite toujours le village du Gouérest.

Le 31 mai 1806, quand a lieu un échange de terres entre Jean Derrien et les consorts Kéraudren, Jean Derrien habite toujours le Gouérest . Il n’a donc pu occuper sa maison qu’à la fin de 1806 ou au tout début 1807. Dès son arrivée il a eu maille à partir avec ses nouveaux voisins concernant la traversée de « Parc Cardinal », qui sera évoquée à part.

Le conseil de famille, qui s’est réuni  le 30 avril  1807, a nommé un subrogé tuteur des enfants Derrien : il s’agit d’Yves (Le) Géval du Disloup. Est-il parent avec Marie Jeanne Le Géval, la grand-mère de Louise Virginie Penfrat ?

Un estimateur est désigné le 5 août par Yves le Géval pour effectuer le « prisage » des biens meubles de la communauté.  Il s’agit de Jean Alain Hervéguen de Penarcréac’h.

L’estimation a lieu le lendemain et l’inventaire des biens meubles se monte à 740 F.

La succession de Marie Louise Gourvez a aussi donné lieu à des différents avec sa fille, Marie Louise Derrien ; il en sera également question plus loin 

Jean Derrien décède le 22 janvier 1835 à Trégoudan

La liste des propriétés immeubles de Jean Derrien a été établie le 13 décembre 1835. elle reprend très exactement le contenu du cadastre napoléonien, qui vient d’être publié mais cette liste ne concerne que les biens situés à Trégoudan, qui faisait alors partie de Crozon ; les biens situés sur la commune de Roscanvel devaient être dans une autre liste, qui ne nous est pas parvenue.

Pour les biens immobiliers c’est la valeur de la ferme, telle, qu’elle figure dans l’acte de vente du 25 germinal an 13, qui a été retenue. 

A  titre de comparaison un sixième de la maison de la rue Poulpatré à Crozon a été vendue à M. Flers en 1849 pour 600F avec une rente viagère de 7F, ce qui fait un coût total de 3600F plus 42F de rente viagère pour une maison beaucoup plus grande mais pratiquement sans terres.

Les biens meubles de Jean Derrien

L’énumération des biens meubles commence par les animaux de la ferme :

trois vaches estimées                90F

un petit bœuf                            15F

un cheval et équipage                33F

5 moutons                                24F

Elle se poursuit avec les instruments de la ferme :

La charrette et attirail                90F

La charrue                                30F

Les pelles, masses, pioches, faucilles… sont plus loin dans l’énumération, pour moins de 20F en tout

Le mobilier suit :

Une table                                 8F

Une armoire                              42F      qui vaut donc plus cher qu’un cheval

Une armoire de vaisselier           24F

Un lit près du feu                       7F

3 lits à tombeau                        25F en tout, dont un avec rideaux, qui est compté pour 12F) (celui des parents)

En principe ce sont des lits à colonnes, mais est-ce bien le cas ici ? Ce sont peut-être seulement des lits clos.

Qui dort dans ces lits à tombeau ? Les parents pour le lit avec ses rideaux ;  les enfants dans les autres? Les plus jeunes doivent coucher à deux dans un même lit. Et qui dans le lit près du feu?

Les bancs, chaise et coffres sont plus loin, pour 5F environ

L’inventaire aborde ensuite la batterie de cuisine avec une grande marmite pour 18F et l’inévitable poêle à crêpes pour 7F, qui vaut donc autant qu’un lit ! Il y a une maie à pâte pour 5F. L’ensemble de la batterie de cuisine se monte à 50F environ.

Il n’y a que trois assiettes

Mais 4 couettes, 6 traversins, 7 couvertures et 28 draps, ensemble 69F

Les vêtements sont évalués à 36F pour la femme et 30 F pour l’homme (les « hardes »)

Viennent alors les deux boisseaux d’orge (10F) et les trois boisseaux d’avoine (12F)

Enfin, pour terminer, les outils de la forge pour 90F, les masses et faucilles pour 20F et le feu de charbon pour 6F, car il ne faut pas oublier que Jean Derrien est taillandier.

Le total se monte à 740F. Il est à rapprocher du prix de la ferme de Trégoudan : 2100F payés en plusieurs fois entre 1805 et 1819 et du montant de la succession de Jean Derrien en 1836 : 3000F

En principe le franc est resté à peu près constant pendant tout le 19ème siècle.

Il n’a commencé à glisser qu’après la première guerre mondiale, pour s’effondrer à la seconde.

L’inflateur publié sur internet  donne une correspondance : 1F de 1901 = 4€ de 2014.

Appliqué à l’évaluation de 1807 on arrive à des montants très faibles, comme s’il manquait un facteur 10. Il est probable que l’inflateur de soit pas très représentatif finalement, même si on a vu une certaine correspondance dans le cas des biens meubles de Pierre Le Lann.

En principe, lors d’un mariage, l’un des conjoints apportait l’armoire et l’autre le lit, ce qui suppose une valeur équivalente. Chez Jean Derrien il y a un net déséquilibre entre les deux mais on ne sait pas qui a fourni l’armoire.