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L’intrusion de François Laé dans la famille Keraudren est à l’origine de problèmes, qui s’étalent sur pratiquement deux siècles car tout n’était pas encore réglé récemment. L’arrivée de François Laé a déjà donné lieu à une bataille entre sa fiancée et sa future belle-mère; ce point a été développé dans la page 03-12 (Marie Anne Keraudren se rebelle). Il y a eu probablement ensuite la cohabitation difficile entre les deux beaux-frères. Mais les problèmes sérieux ont commencé avec le partage des biens en 1839.

L’usufruit de Jean Marie Vergos

Le premier problème vient du fait que la masse des biens à partager comprenait ceux des parents, Jospeh Keraudren et Marie Jeanne Kerguelen, mais aussi ceux de Françoise Kerguelen, dont le mari, Jean Marie Vergos, est usufruitier.

Curieusement le partage du 7 novembre 1839 ne mentionne pas d’obligation vis-à-vis de Jean Marie Vergos. Il indique seulement que les biens de Marie Jeanne Kerguélen ont été estimés dans un testament du 15 janvier 1828 à 140 francs pour chaque lot. Le montant de 140F paraît très bas, quand on sait, que Marie Françoise Kerguelen avait hérité de ses parents des biens au moins aussi importants, que ceux de sa sœur, Marie Jeanne Kerguelen. Il y avait également d’autres héritiers chez les Kerguelen, dont il n’est jamais question. On verra, qu’il y a d’autres prétendants.

Le document, qui se trouve dans la caisse, n’est bien évidemment, qu’un projet, mais le notaire ne pouvait ignorer non plus l’existence de Jean Marie Vergos, qui est, par ailleurs, un propriétaire important. 

Dans la caisse Il y a un reçu de 1850, qui prouve que les enfants Laé ont bien payé leur quote-part pour l’année 1850 (91 francs), ce qui correspondrait à 13 années d’usufruit s’il est de 5% de la valeur retenue dans le testament.

Dans une assignation du 14 juin 1852, Jacques Keraudren prétend que dans son lot il y avait la plus grande partie des biens provenant de la succession de sa tante, Marie Jeanne Kerguelen et qu’il n’a pas pu en jouir, comme le prévoyait l’acte de partage, car ils sont exploités par Jean Marie Vergos.

Il réclame donc aux Laé la quote-part de l’usufruit, qu’il a versé sans en avoir la contrepartie. Comme dans beaucoup de cas similaires, nous avons l’assignation, mais pas le résultat du litige.

La maison de la rue Poulpatré.

L’usufruit de Jean Marie Vergos est plus complexe qu’il n’y parait. En effet il réapparaît lors de la vente en 1854 par Jacques Laé du sixième de la maison de la rue Poulpatré à Crozon. Il s’agit de la maison, qui fait le coin. Sur l’état de section 27 de Crozon elle est au nom de Jean Marie Vergos , mais les annexes sont marquées « et neveu ».

L’acheteur, M. Flers, doit payer 600 francs, plus un usufruit de 7 francs à Jean Marie Vergos, somme qui parait anormalement basse. C’est une grande maison, coupée en deux, donc en réalité l’équivalent de deux maisons.

Ce fut une bonne affaire, car Jean Marie Vergos avait 90 ans ; il décédera d’ailleurs deux ans plus tard, le 29février 1856.

Encore un oubli

Mais en 1856 il reste encore des terres en indivision à Kerellot, qui dépendent de la succession de Jean Vergos et de sa femme. Elles seront partagées le 25 avril entre ses neveux : Raoul du côté Vergos et Laé-Keraudren du côté Kerguelen. D’où viennent-elles réellement ?

Louis Raoul, qui habitait Kertoupin, avait épousé Marie Jeanne Vergos, sœur de Jean Vergos.

En fait les problèmes sont souvent soulevés par Joseph Keraudren, fils de Jacques Keraudren ; en 1863 il est alors forgeron à Brest, mais sa sœur, Marie Céleste, habite Trégoudan, sans que l’on sache si elle occupe ou non la grande maison du Pors, qui sera reconstruite en 1879.

.Trois filets d’eau

 Le problème suivant survient en 1863. Il met face à face Joseph Keraudren, qui habite maintenant Menezarvel (il a quitté Brest?) et Jacques Laé. L’objet du litige est constitué par 3 filets d’eau qui sortent du tas de fumier du fermier de Joseph Keraudren et qui coulent le long de la crèche appartenant à Jacques Laé. Ce dernier a déversé de la terre pour dévier l’eau mais, du coup, elle ne s’évacue plus et reste dans la cour de Joseph Keraudren.

Tout le problème vient de la configuration du Pors

Avant le partage il y avait une cour (« Liors Bras »_289) avec des bâtiments tout autour et un passage étroit pour rejoindre le chemin « Garront ar C’hor », au sud. Lors du partage du Pors, la cour a été partagée en deux et le passage se trouve désormais dans la moitié appartenant aux Keraudren. Il faut noter que la grande maison construite par Jacques Keraudren sur la parcelle 286 (avec une partie sur la 288)  ne figure pas encore sur le cadastre, pas plus que les crèches, qui seront construites par la famille Laé sur la parcelle 290.

Finalement les protagonistes mettent d’accord le 1er mars 1863. Les eaux seront canalisées et le « canal » sera entretenu à frais communs. Joseph Keraudren fera en sorte que les eaux qui s’écoulent du tas de fumier iront bien dans ce canal. Il n’y aura aucun dépôt en bout du mur qui sépare les deux propriétés et les Laé pourront toujours passer par la cour de Joseph Keraudren pour sortir du Pors (appelée désormais « jardin bras »).

L’accord ne tient pas longtemps car le 12 mars 1868. Michel Marchadour de Kerincuff est cité comme témoin pour la même affaire.

Le 28 mars 1868 le jugement est prononcé : Joseph Keraudren doit libérer le passage et, notamment, enlever le tas de fumier entre les crèches et « Craou Bras », qui sera plus tard la cuisine de la famille Laé

On apprend à l’ occasion du litige que la maison située sur la parcelle 288  a pour nom Ty Creis, ce qui est normal, puisqu’elle est entre les deux maisons, Ty Postic et la grande maison, qui appartient à Joseph Keraudren. Par contre elle ne semble pas figurer dans le partage de 1839. Ce sera encore une source de disputes, comme on a pu le constater à la fin de l’été 2020. Un mur existait encore il y a peu.

Un nouveau litige survient en 1869 ; Alain Carn de Kervian est cité comme témoin dans un litige qui oppose à Trégoudan Alain Carn de Saint Fiacre et Jacques Laé à Joseph Keraudren. Est-ce la suite du précédent ou un autre litige ? Le document ne le dit pas.

Les Keraudren et leurs successeurs par la suite, ont tout fait pour que les Laé ne passent pas par ce passage.

La photo prise récemment montre bien les deux maisons dans le fond, séparées par « ty Kreis » (ou plutôt la moitié « Lae » de Ty Kreis), utilisée comme écurie jusqu’au départ du dernier cultivateur.

Au premier plan les restes des murs de l’ancienne cuisine avec à gauche le fameux chemin.

L’autorisation de passer a été refusée au milieu du 20ème siècle par le dernier propriétaire, sur la foi du cadastre dressé après le remembrement de Roscanvel. Les Laé ont été obligés de faire une ouverture dans un talus, pour permettre le passage du cercueil de leur fermier.

On peut regretter, que la commission chargée du remembrement n’ait pas retenu la notion de « cour commune », qui est normalement utilisée dans des cas similaires.

Après d’âpres discussions avec les voisins la limite est désormais le trait en pointillé, qui part du coin nord-ouest de l’ancienne cuisine (aujourd’hui réduite à un muret côtés ouest et sud) et l’écurie, qui se trouvait entre les deux maisons. Toutefois ils réclament maintenant l’emplacement de la cuisine pour élargir leur terrain (le deuxième pointillé). Il y a ensuite le problème du toit de l’écurie… Une histoire sans fin.