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L’affaire de Prat Keranguyader est complexe. Il y a beaucoup de documents, leur enchaînement n’est pas évident et il doit également manquer des chaînons. Il peut aussi y avoir eu confusion entre deux parcelles. De plus elle se déroule en deux étapes et il manque enfin une conclusion.
Sur le principe il s’agit d’une affaire classique : un étang avec un moulin. En modifiant la hauteur de la décharge, on modifie le niveau de l’eau dans l’étang, inondant ou dégageant, selon le cas, des espaces couverts de joncs ou des étendues herbeuses. De plus par temps de sécheresse le niveau de l’eau reste bas. Les habitants du village en profitent alors pour couper le foin, qui a poussé sur les parties herbeuses dégagées.
Où est vraiment Prat Keranguyader ?
Théoriquement prat = prairie et Keranguyader est le nom d’un village près de Kerloc’h, où on va retrouver la famille Mercier, du moins avant le 19ème siècle.
D’après l’état de section il devrait s’agir de la parcelle 823bis.

Elle a été détachée de la parcelle 823, qui était une partie de l’étang de Kerloc’h, celle, qui appartenant en propre aux habitants de Kerloc’h et de Keranguyader, les deux villages étant très proche, mais le cadastre précise bien : propriétaires, usufruitiers ou domaniers. C’est toute la difficulté.
Sur le plan cadastral c’est la parcelle triangulaire en bas et à gauche sur le plan.

La parcelle est bordée au sud par le chemin, qui monte à Trésigneau, au nord par l’étang ou, du moins,ce qui en reste. Visiblement elle faisait partie de l’étang dans le projet initial.
A chaque fois les habitants des villages parlent de prat keranguyader en se référant à un aveu de 1784, qui n’est pas dans nos documents. Il semble bien qu’il y ait eu confusion entre les parcelles 823 et 823 bis. En effet, si la parcelle 823 fait près de 5 hectares, comme indiqué dans les documents, elle porte en fait le nom de « ar stang », alors que la parcelle appelée « prat keranguyader » (823bis) ne fait elle que 5940 m². La première est qualifiée de « roseaux », la seconde de « pâture ».
L’analyse des documents ne permet pas non plus de fixer les limites précises de la superficie concernée. On a l’impression que les habitants des villages de Kerloc’h et de Keranguyader, qui utilisaient en commun le prat, avaient décidé de s’approprier toute la partie occidentale de ce qui est aujourd’hui la section BL et qui est couverte de roseaux. Il ne faut pas oublier que la plupart des constructions, maisons, ou crèches, sont alors couvertes avec des roseaux.
La lecture du cadastre napoléonien montre d’ailleurs, qu’une bonne partie de la frange avait déjà été accaparée par les habitants (une vingtaine de parcelles au moins sont qualifiées de « roseaux »). On les retrouve en grande partie dans le cadastre actuel : elles figurent dans la section BL, à la limite avec la section BK.
Comme aujourd’hui, on est à cheval sur plusieurs sections, notamment Kerloc’h et Lannilien (devenu depuis St Julien). Le Prat Keranguyader porte le numéro 823bis. L’étang de Kerloc’h est réparti entre les numéros 820 et 821, du moins pour la section concernée. Le moulin porte le numéro 822. Finalement la parcelle, qui correspond au numéro 823, est mal définie.
De plus il ne faut pas oublier qu’à cette époque toute la zone dépendait de Crozon
Aujourd’hui la parcelle 823bis est traversée par la RD8, qui va de Crozon à Camaret. Sur le plan ci-dessous elle se trouve pratiquement au niveau du point d’exclamation, là où le chemin de randonnée coupe la RD8


Le chemin de Trésigneau, qui la borde vers l’ouest est à peine visible.
Un peu d’histoire
Avant la révolution toute cette zone appartenait à Charles-Henri, comte d’Estaing, qui la tenait de sa femme, Marie-Sophie du Rousselet, dame du Poulmic.
Lors du démentèlement de ses biens, l’étang a été acheté par la famille Olivier et partagé ensuite entre les héritiers : Yves Olivier et Mme Meillard, sa sœur. Le partage a été fait avant la rédaction du cadastre, car sur Crozon l’étang est au nom de Jean Olivier et sur Camaret aux héritiers de Philippe Meillard.
Très vite les riverains ont protesté et attaqué la famille Olivier. Il y a eu des procès en 1818 et en 1841, dont nous n’avons pas de copie. A chaque fois la famille Olivier a gagné.
Les documents conservés dans la caisse concernent deux périodes agitées : 1865-1866 et 1871-1872. En face il y a Me Riou, l’ancien notaire, qui doit disposer de l’ensemble des documents concernant les procès précédents (ou sait où les trouver).
Les protagonistes
Parmi les personnes citées en 1866 on retrouve la plupart des habitants des villages, qui étaient déjà cités dans le partage de la montagne de Lannilien. Il y a aussi des habitants des villages voisins, qui se sentaient concernés
On retrouve donc Jacques Le Laé, probablement comme époux de Marie Laurence Mérour, qui vivra encore jusqu’en 1881,
Véronique Quélen et Joseph Isidore Auguste Le Laé
Marie Jeanne Quélen et Joseph Mercier, les parents de Marie Ursule Mercier.
A l’inverse de la liste de Lannilien, les conjoints ne sont pas toujours mentionnés. Pourtant les deux listes sont très proches dans le temps.

Les habitants des villages ont été à nouveau déboutés. En 1870 cinq d’entre eux ont décidé de poursuivre l’aventure. La suite a été la même. Les montants à payer sont considérables : plus de 1000 francs. Que s’est-il passé ensuite ?
Me Helleguen, avoué, avait émis un avis négatif, mais son avis n’est pas daté. On ne peut donc pas savoir s’il concerne le procès de 1866, ce qui est fortement probable, ou celui de 1871.
Tout cela pour rien
Finalement les Laé n’ont rien obtenu dans Prat Keranguyader (823bis), qui a été partagé autrement (la parcelle initiale correspond à la partie en vert sur le plan ci-dessous).

A l’inverse on trouve dans sa succession, que Jean Laé avait une partie de « ar stang » : 2240m² et trois parties de l’étang de Kerloc’h, pour un total de 18722 m².
Sa part dans la parcelle 823 est de 4,76% de la surface totale. Elle est également de 4,76% pour la première des trois parties de l’étang. Les deux autres parties proviennent de démembrements ultérieurs. Aucun document concernant ces démembrements n’a été conservé, sauf s’ils été remis à la tante Victorine..