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Nous avions oublié la cale de Quelern parmi les points d’ancrage, alors que c’est un point essentiel avec la maison appelée Ker Diskuiza. En effet cette maison joue un rôle important même si elle a été un moment supplantée par Tybian; Pour Tybian c’était l’exploitation des 300 documents contenus dans la caisse, Ker Diskuiza c’était le point central de notre adolescence et de celle des parents. La cale de Quélern à moins de 100m en est le prolongement naturel. Les autres points d’ancrage sont la Fraternité et la Pointe des Espagnols.
Marcel Burel nous l’a rappelé l’été dernier et la décision de la municipalité de rénover la cale incitent à revenir sur ce point d’ancrage essentiel.
Pour information le budget consacré à sa rénovation (1,3 M€) est presque équivalent à celui consacré à la Pointe des Espagnols (1,7 M€) pour un résultat final moins spectaculaire.
On trouve sur le net une collection très imposante de cartes postales datant de la première moitié du 20ème siècle. Il est difficile de faire le tri. Il est notamment difficile aussi de les ranger par année.
Sans rentrer dans le détail il faut faire un peu d’histoire.
Au départ les bâteaux étaient tirés au sec, comme cela se fait encore dans pas mal de régions du globe. La taille des bâteaux allant grandissant il a fallu trouver un moyen d’accoster : quais horizontaux ou cales en pente, qui a commencé?
Pendant longtemps il n’y a eu qu’un port à Roscanvel : celui du bourg. Il est visbile sur la carte marine de 1911 (« 1 »). La carte montre jusqu’où la mer se retire à très grande marée. Elle montre aussi, qu’il n’y a pas de voie de communication directe avec les fortifications, qui sont presque toutes situes sur la côté ouest ou nord.
La cale du bourg (1)
Le dessin ci-dessous n’est pas daté mais il laisse à penser, que la cale a été construite sur une pointe rocheuse à proximité immédiate du fort et de la batterie.
Des traits légers indiquent ce qui a été raboté. Il manque malheureusement une légende. La cale a été modifiée depuis mais on voit que le port assèche à marée basse.
A marée haute il n’y a pas de problème. Ci-dessous le Casoar construit par Auguste Laé.
La mauvaise solution : la cale du sourdis (2)
La solution paraisait évidente : une cale au niveau de la caserne Sourdis (« 2 ») avec une route nouvelle pour rejoindre Hent Meur et les forts de la côte. Malheureusement la cale a été mal dimensionnée et elle était souvent découverte.
La carte postale ci-dessous montre son état dans les années 1920. La nouvelle cale a déjà été construite, ainsi que la route qui conduit à Roscanvel. La cale du Sourdis n’est plus qu’un tas de cailloux.
Ici aussi il y a un croquis; il date de 1889 mais la cale n’a pas été réalisée comme prévu.
Il était prévu une route partant de la caserne et descendant sur la grève au delà de la pagode avec, à angle droit, une très longue cale car, ici aussi, la mer découvre sur une grande profondeur comme le montre la carte de 1911.
La cale neuve (3)
Il fallait trouver un endroit, où la mer ne découvre pas complètement. Il n’y avait qu’un seul point acceptable : la pointe de beg ar grogn (3). Bien évidemment il a fallu construire une route pour rejoindre les forts puis une autre pour rejoindre la caserne (la digue de l’étang de Kervian) et enfin une troisième pour relier Roscanvel.
Si vers 1920 il n’y avait que deux bistrots, vers la fin des années 30 il y avait déjà beaucoup de constructions.. »
Hervé Le Bihan a construit une maison au carrefour des nouvelles routes. Il l’appelée Ker Diskuiza, la version bretonne de « mon repos ».
L’histoire de cette maison figure dans le volume « c’est comme ça » pages 13-11 et 13-21)
Il fallait bien faire patienter les voyageurs. Il y a donc eu très vite deux bistrots, d’autant plus qu’il y a eu parfois deux vapeurs en même temps.
Celui de gauche, « A l’arrivée du Vapeur » était un lieu important; tenu par Mme Batany, il possédait un boulodrome, où on pratiquait la boule bretonne avec des boules en bois de frêne. Celui de droite n’a pas été ouvert longtemps. Il a été remplacé par un autre bistrot construit un peu plus loin vers le carrefour et tenu par Mme Bourbao.
Les pique-niques
Après la guerre les syndicats des ouvriers de l’arsenal de Brest et diverses associations ont organisé des « piques-niques » les dimanches d’été. On voyait arriver les bateaux et se constituer des colonnes, qui se dirigeaient vers Trez Rouz en chantant et agitant des drapeaux.
A l’époque Ker Diskuiza avait un balcon, d’où nous pouvions suivre les opérations et notamment entendre les chants qui motivaient les participants et annonçaient en fin d’après-midi le retour de ceux qui avaient eu le courage d’aller jusqu’à Trez Rouz. Certains marquaient même un arrêt à Quelern chez Passini avant d’affronter le dernier kilomètre.
Il y avait l’arrivée du vapeur; il y avait aussi son départ, parfois difficile si le vent était au nord. Le bateau refusait de s’écarter du quai. Un jour il a même fallu en arriver à rompre l’amarre afin de provoquer une réaction suffisante pour que le bateau s’écarte suffisamment et accepte de prendre le large.
Les mouvements étaient commandés par M. Boucher, le maître du port.
Au bout de la cale
Enfin la cale était aussi un lieu de pêche idéal, surtout l’été en fin de journée. On voyait arriver les oiseaux, puis des bancs de petits poissons, suivis par des plus gros : les chinchards d’abord puis les maquereaux. Tout ce monde arrivait contre la cale et faisait demi-tour pour repartir vers le large. Cela ne durait pas longtemps mais permettait de remplir son panier.
Aujourd’hui on en voit moins.
Si on regarde la carte marine de 1911 on voit qu’il y a une fosse relativement étroite, orientée à peu près nord-sud, qui se dirige vers la cale de Quelern; les poissons semblaient venir dans l’axe de la fosse puis faisaient demi-tour pour repartir dans la même direction.
La bande noire
La cale de Quélern, appelée au début la cale neuve, a été aussi le rassemblement des jeunes du quartier, qui avaient adopté le nom de « bande noire », probablement pour faire écho à la « bande bleue » de leurs parents.
La figure centrale était Lisette Corcuff, dont la maison a brûlé il y a quelques années.
La cale aujourd’hui
Aujourd’hui il n’y a plus de vapeur mais il y a toujours du monde.
La cale de Quelern vieillit. Il va falloir la réparer même si elle est moins utilisée qu’au siècle dernier. Que vont devenir les congres qui avaient élu domicile dans les nombreuses anfractuosités?