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On trouve sur le net peu d’informations sur les conséquences de l’arrivée des espagnols puis celle des anglo-français et les conditions de départ de ces derniers. En fait il faut fouiller car j’ai trouvé un document très détaillé, presque jour par jour publié par la SHA Bretagne. D’autres documents sont venus renforcer les informations mais aussi créer un peu de confusion.
On y lit notamment que Sir John Norreys (Norris), qui commandait lors du dernier assaut a fait exécuter tous les auxiliaires (femmes et enfants), comme il l’avait fait plus tôt en Irlande.
Par contre il n’y a rien sur les pertes des coalisés à part un sommaire 3000 tués et 3000 morts de maladie mais les anglais n’ont comptabilisé que 500 tués environ.
Il y a bien dans un autre document un commentaire selon lequel les paysans auraient été heureux de vendre de la nourriture à bon compte aux Espagnols. Cela reste cependant sujet à caution car on est sur un territoire plutôt pauvre et à la fin de l’été de 1594, avant l’arrivée des anglo-Français il ne devait pas rester grand chose chez les habitants des villages. Pour mémoire le repas de base c’était alors de la soupe avec des choux et des raves. C’était encore l’essentiel de l’ordinaire chez Marie Mercier il y a un siècle.
Faire vivre 400 soldats et leurs accompagnants sur un territoire dont la population ne devait pas dépasser 4 à 500 personnes parait une tâche impossible, à moins d’aller se fournir dans les villages voisins de Crozon ou de Camaret. 4 à 500 personnes c’est aussi moins de 100 « feux ».
Cette période troublée des guerres de religion qui va de 1562 à 1598 a donné lieu à un très grand nombre d’exactions avec dans biens des cas des villages détruits, des populations décimées quand elles n’ont pas été purement et simplement éliminées. Il y a de très nombreux récits sur les exactions commises par les différents chefs de bande, notamment par Fontenelle or il n’y a rien concernant Roscanvel. Dans le Léon il est question de 5000 paysans massacrés.
Cette absence d’information interpelle. Il suffit peut-être de fouiller un peu plus sur le net.
Si on reprend le texte de Michael Jones (les anglais à Crozon à la fin du XVI ème siècle) les français sont venus de Paimpol et les anglais par bateau. Cela fait quand même 3 à 4000 soldats dont 3 à 400 cavaliers à loger, nourrir, blanchir….
Ce qui était déjà compliqué pour les Espagnols devient quasiment impossible avec 10 fois plus de combattants. Sir John Norreys a fait massacrer les auxiliaires des troupes espagnoles (femmes et les enfants) qui étaient encore en vie à la fin du siège. Que sont devenus ceux des armées protestantes? Combien ont survécu au siège, si 3000 soldats sont morts de maladie?
Le passage de plusieurs milliers de soldats et d’auxiliaires à travers la Bretagne pour les troupes françaises, puis finalement du double en arrivant dans la presqu’île, a eu obligatoirement des conséquences sur le terrain : maisons pillées puis détruites, récoltes volées, arbres coupés…
Après la bataille
En ce qui concerne les destructions il y a un premier point de repère avec le commentaire d’Emmanuel Legentil, qui disait que le manoir de Quélern avait été détruit sans préciser si cela a été l’oeuvre des Espagnols ou celle des Anglo-Français; il y a cependant le fait que la grange qui lui fait face portait autrefois la date de 1605, une dizaine d’année donc après la bataille.
Sur l’église de Roscanvel il y a une pierre portant la date de 1651 (Jean Penfrat et Jean Palud).
Il y a par ailleurs un très grand nombre de constructions dans les villages qui portent une date, généralement comprise entre 1600 et 1650.
Si plusieurs de ces pierres ont vraisemblablement été déplacées (ou récupérées) il en reste encore notamment du côté de Lodoën.
Un inventaire de ces pierres serait la bienvenue car il n’existe pas d’autres témoins de cette période de reconstruction. Est-ce bien vrai ?
Les manoirs
Il y a en premier le cas des manoirs comme celui de Quélern (l’ancien Quélern pas l’actuel), élevé en 1694 au rang de « Château ». Il y a le manoir de Tremet (le nouveau Quélern), qui a perdu son étage, conséquence des bombardements de 1944; il y a probablement ceux de Lodoën et de Kervian. Ces derniers sont en fait de grandes maisons comportant un étage.
Il n’y en a pas à Trégoudan mais il est mention, dans un document du « pourpri », reste d’un ancien manoir, situé probablement à l’emplacement occupé actuellement par la ferme de la famille Laé, qui portait aussi autrefois le nom de « pors », comme à Tremet.
Il doit y en avoir à Trevarguen, au Lez…
Les autres constructions
Il y a aussi des pierres datées sur des constructions plus modestes mais rien en dit qu’il ne s’agit pas de réutilisation. C’est notamment le cas d’une grange à Lodoen.
Le parchemin le plus ancien en notre possession date de février 1600, 5 ans seulement après la bataille, signe que les habitants ont très vite repris en main leur destin. Il y en a probablement d’autres documents de cette période. Si les dates gravées sur les pierres sont bien celle des reconstructions, on retrouve un réflexe classique : manger d’abord, d’où l’échange de février 1600 ; les maisons viennent ensuite. Il faudrait pouvoir faire leur recensement.
On trouve sur le net un schéma de maison avec largeur interne de 4,70m comme à Tregoudan (les deux pentys) et une longueur de 9,40m, ce qui équivaut pour un penty à 4,70 m entre le milieu de la porte et le mur ; on a bien 4,70 m dans les deux cas. C’est aussi la largeur de la pièce principale du manoir de Quélern.
Ty Postic (reconstruit en 1870) est un peu plus large avec 4,97m mais on retrouve à peu près les 9,4m de longueur intérieure.
Les cheminées
Avec la reconstruction des maisons il faut parler de celle des cheminées. Celle de Tybian à Tregoudan a les mêmes dimensions que celle du manoir de Quélern mais avec une différence importante : le linteau et les corbeaux sont en bois à Trégoudan, en pierre dans le manoir.
J’ai vu passer sur le net une vidéo consacrée aux infirmières de Roscanvel; leur cheminée est exactement identique à la nôtre.
La cheminée de la cuisine du manoir de Quélern est également en bois mais de taille plus modeste.
Les fours à pain
A côté de la reconstruction des maisons il y a celle des fours à pain. Celui de Trégoudan est sur une parcelle appelée liors an ty forn, ce qui indique son ancienneté même s’il a été modifié à plusieurs reprises. Par ailleurs le linteau du foyer montre bien, qu’il s’agit d’une reconstruction faite à la hâte. Faute de document il est difficile de lui donner une date mais il y a déjà le nom donné à la parcelle et le fait qu’il devait provenir d’une succession Penfrat ou Thépault du début du 18ème siècle ou peut-être même du 17ème.
Ici encore il faudrait faire un inventaire des fours de la presqu’île sachant que la construction des lignes a modifié la donne avec l’installation d’un boulanger.
Le second four à pain de Tregoudan est bien mentionné sur un acte de vente de 1888 mais il ne figure pas sur le cadastre napoléonien; par ailleurs, tout en étant au cœur du village, il n’est pas facilement accessible. Lui aussi faisait partie d’une succession Penfrat ou Thépault ; est-ce normal d’avoir deux fours distants de moins de 50m? Il est possible d’imaginer un scénario tout simple: Ty Forn s’est écroulé et comme il était difficile de le remettre en état un autre four a été construit à proximité.
S’il n’y a pas de preuves formelles du passage des troupes il en reste cependant des séquelles.